L'homme tranquille

Par Platinoch @Platinoch

Un grand merci à Films sans frontières pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « L’homme tranquille » de John Ford.

« Mariée, elle ? ça ne risque pas avec ses taches de rousseurs et son mauvais caractère ! »

Sean Thornton, un ancien boxeur américain, revient à Inisfree, son village natal d’Irlande, avec l’objectif de racheter l’ancien « cottage » de sa famille pour s’y installer définitivement. Il fait la connaissance de Mary Kate Danaher, la sœur du colérique Red will Danaher qui convoitait la maison des Thornton avant que Sean ne la rachète. Le « yankee » entreprend tout de même d’épouser Mary Kate selon les règles de la tradition irlandaise.

« Inisfree, ce sont toutes les histoires que me racontaient ma père quand j’étais petit. C’est l’autre nom du paradis pour moi ! »

Principalement connu du public pour ses formidables westerns, le prolifique John Ford, grand maitre incontesté du cinéma classique américain, fut aussi un formidable observateur de la société américaine de son époque, témoignant aussi bien de la misère induite par la Grande dépression (« Les raisins de la colère », « La route du tabac ») que du racisme ambiant en Amérique (« Le sergent noir », « Le soleil brille pour tout le monde ») ou de l’évolution du monde vers une société du paraitre (« La dernière fanfare »). Avec toujours cette volonté de raconter l’Histoire à travers le prisme des petites gens. Mais ce fils d’immigrés irlandais n’oublia cependant jamais ses racines et rêva longtemps de rendre hommage dans l’un de ces films à l’île de ses ancêtres. A cette fin, il acheta pour une bouchée de pain les droits de la nouvelle « The green rushes » de Maurice Walsh. Mais faute de parvenir à intéresser les producteurs, qui ne croyaient pas au potentiel commercial de cette chronique rurale et sentimentale irlandaise, il fallut près de quinze ans au cinéaste (et l’appui de son ami John Wayne auprès de la Republic Pictures) pour réussir à obtenir les financements nécessaires pour monter le projet, qui fut intégralement tourné en Irlande. Contre toute attente, le film fut un énorme succès public et permit au cinéaste de gagner son quatrième - et dernier - Oscar du meilleur réalisateur. Un film devenu introuvable que l'éditeur Films Sans Frontières a la bonne idée de ressortir en version restaurée.

« Je ne lui serrerai jamais la main. Plutôt me faire protestant ! »

Après avoir conté l’exode des populations précaires d’Europe vers le Nouveau Monde (« Qu’elle était verte ma vallée », 1941), John Ford ambitionne de prendre le chemin inverse pour rendre hommage à la Verte Erin, terre de ses ancêtres et de ses origines. Mais loin des périodes de troubles et des luttes fratricides entre catholiques et protestants (« Le mouchard », « Révolte à Dublin »), il aborde ses retrouvailles avec l’Irlande sous un jour apaisé et résolument joyeux. Entouré de sa famille de cinéma (les acteurs John Wayne, Ward Bond, Victor McLaglen, Maureen O’Hara ; son assistant Andrew McLaglen), il imagine une Irlande de carte postale aux prairies verdoyantes sillonnées de murets de pierres, peuplés de moutons, de musiciens alcooliques et de rousses flamboyantes. Une terre de traditions et de gens fiers. Un décor idéal pour y développer une jolie comédie romantique légère doublée d’une chronique rurale pittoresque : les hommes chantent et boivent, les prêtres s’adonnent à la pêche pendant que les pasteurs se livrent aux paris sportifs, et tout ce petit monde œuvre pacifiquement main dans la main pour permettre de réunir les amoureux contre l’avis du frère de l’héroïne. Et comme souvent chez Ford, rien ne vaut une homérique bagarre générale pour permettre aux hommes de fraterniser. Un petit coin de paradis fantasmé en quelque sorte, dans lequel le héros (un fils d’irlandais ayant immigré aux États-Unis), sorte de double fictionnel du cinéaste, trouvera l’amour et la rédemption. L’ambiance du film est ainsi résolument généreuse et chaleureuse, avec des personnages hauts en couleurs et terriblement attachants. A n’en point douter, Ford signe avec « L’homme tranquille » son film le plus personnel. Une ballade irlandaise humaniste, pacifique et rayonnante qui constitue l’un des sommets de son immense filmographie. Un chef d’œuvre.

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Le DVD : Le film est présenté en version restaurée en haute-définition. Il est proposé en version originale anglaise (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles. Aucun bonus ne vient compléter cette édition.

Edité par Films sans frontières, « L’homme tranquille » est disponible en DVD depuis le 26 février 2018.

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