Une épiphanie est ce moment de révélation sous la forme d’une prise de conscience qui point soudainement dans l’esprit du personnage principal.
La soudaineté de cet effet est néanmoins causé par les événements, expériences et interactions que ce personnage principal a vécu ou mené tout au long de l’histoire jusqu’à ce moment épiphanique.
Il y a donc un principe de causalité à l’œuvre lorsqu’une telle scène doit advenir. L’épiphanie doit être considérée comme un changement majeur de la personnalité du protagoniste. Elle fait partie de son arc dramatique.
Cette scène de révélation n’est pas gratuite (tout doit faire sens dans un scénario). Ainsi, ce moment de félicité, cette prise de conscience est souvent douloureuse pour le personnage principal.
En effet, le personnage qui connaît un tel moment dans sa vie fictive est souvent très attaché à sa propre perception du monde et aux autres personnages qui le peuplent. Il est parfois difficile d’assumer une telle prise de conscience, une telle illumination sans en avoir à payer le prix.
Une renaissance
Des espoirs ou des convictions perdues peuvent être retrouvées. En introduisant une épiphanie dans l’arc dramatique du personnage principal, vous lui offrez l’opportunité de grandir, d’apprendre et somme toute d’évoluer.
Inventer une scène où une révélation doit se produire n’a rien de formel. N’importe quelle scène peut faire l’affaire. Qu’elle soit de pure action ou spécifiquement contemplative, la scène peut se conclure sur une prise de conscience. Le personnage concerné peut voir les choses autrement à la fin de n’importe quelle scène et orienter son développement et l’intrigue du même coup dans une toute nouvelle direction.
Les caractéristiques de l’épiphanie
Habituellement, cette illumination recherchée par l’auteur a un coût pour son personnage. Ou bien cela lui permet de reprendre confiance, de retrouver un espoir perdu ou bien souvent, les deux options sont comme nécessairement associées.
Comme je l’ai mentionné, cette révélation sera progressive. Elle est le résultat des événements de l’intrigue et de la distribution de l’information qui atteint le personnage principal. Le résultat est que le personnage gagne une nouvelle perception des choses ou peut-être plus concrètement sort d’un déni.
L’épiphanie force le personnage à faire un choix et à devenir autre. C’est un moment majeur de l’histoire ou de l’évolution du personnage au cours de l’histoire. Ce caractère essentiel d’une telle scène impose logiquement que ce type de scène n’a souvent qu’une seule fois à intervenir au cours de l’intrigue.
Mais vous pourriez opter pour plusieurs révélations réparties entre différents personnages. Les moments devront cependant ne pas être comme simultanés à moins de prévoir un découpage de l’écran de cinéma.
De même, l’épiphanie ne devrait pas intervenir trop tôt parce que les conditions de possibilité de celle-ci exigent des événements, des circonstances et des expériences (essentiellement émotionnelles)passées pour que l’épiphanie puisse surgir.
Parce qu’on ne se réveille pas soudain illuminé d’une vérité qu’on avait pourtant à portée de l’esprit, il est nécessaire de gagner cet état d’esprit nouveau par l’expérience (si Emmanuel Kant me lisait, il me dirait que j’ai tort).
Sous un angle structurel, il apparaît qu’une scène émotionnellement intense ou du moins dans laquelle l’émotion du lecteur est fortement sollicitée ou bien encore une scène au suspense marqué (donc de la tension dramatique comme par exemple une information longtemps retenue enfin dévoilée ou élucidée) a lieu chronologiquement très proche d’une scène épiphanique.
Connaître son personnage principal
Cela semble être un raisonnement très logique. Mais pour écrire une scène, savoir qui est véritablement son personnage principal est crucial. L’auteur doit connaître ce qu’est son personnage avant l’épiphanie (c’est-à-dire dans l’état d’esprit qu’il se trouve au début de l’histoire) ce qui permet de connaître préalablement (chez l’auteur) quel changement son personnage doit entreprendre.
Ce qui implique aussi que les étapes de cette transformation progressive doivent être connues. Maintenant, quels types d’épiphanie un personnage est capable de connaître ?
Dépasser ses œillères
Lorsqu’un personnage est dans le déni depuis le début de l’histoire, un acte de volonté lui fera faire face à la vérité. En somme, l’évolution d’un personnage (surtout s’il est le protagoniste) consiste en un dépassement ce qui nécessite un effort auquel le lecteur assiste et c’est ce qui précisément lui permet de saisir toute la rondeur psychologique de ce personnage.
Réaliser un désir refoulé
C’est ce moment lorsqu’un personnage qui a vécu toute sa vie entre des frontières qu’il s’est lui-même imposé réalise soudain ce qu’il veut faire ou être.
Par exemple, un avocat célèbre qui réalise soudain qu’il a toujours voulu travailler avec les enfants. Ou bien un personnage qui s’aperçoit soudain que toute sa carrière professionnelle n’est due qu’à la volonté de ses parents. Ce type d’épiphanie est assez puissant ce qui peut expliquer son usage régulier par les auteurs. Qui n’a pas rêvé de tout laisser tomber pour vivre une nouvelle vie ?
Accepter ce que l’on est
Parfois, on s’efforce à vouloir changer ou on espère que quelqu’un de notre entourage changera. Et soudain, on réalise que ce changement qu’on espérait était en fait une impasse.
La crise identitaire
Ce type d’épiphanie qui consiste à réaliser quelque chose d’essentiel à son être comme par exemple assumer son homosexualité est relativement rare chez les auteurs. C’est la décision d’un personnage qui affirme soudainement une identité à laquelle il résistait ou qu’il déniait.
Comprendre une réalité
C’est une sorte de réveil de la conscience. Le personnage est poussé dans ses retranchements devant une vérité qu’on force sur sa personne. Par exemple, un alcoolique est pris en charge malgré sa volonté pour tenter de le guérir de son addiction.
Ce peut être aussi la compagne du personnage qui lui confesse qu’elle ne l’a jamais vraiment aimé.
Pour préparer convenablement une scène épiphanique, il faut garder à l’esprit :
- qu’une épiphanie est la cause d’un changement du personnage.
- Une scène épiphanique débute avec le personnage dans un état d’anxiété. Il ressent une véritable angoisse concernant son futur. Dans tous les cas, il doit cependant être sous une pression quelconque.
- La révélation se produit après le point médian de l’intrigue. Ce point médian sera la préparation de l’épiphanie. La tension dramatique le montrera souvent dans un état psychologique au plus bas (c’est une forme de pression voire d’oppression sur le personnage) et les enjeux seront d’autant plus forts que le personnage est au plus bas.
- Il faut clore la scène immédiatement après la révélation. Non seulement, il est nécessaire que le personnage digère ce qu’il vient soudain de réaliser mais cela laisse du temps aussi au lecteur qui doit se saisir de cette information cruciale pour la compréhension de l’histoire.
- L’épiphanie est la cause d’une évolution irréversible chez le personnage qui adoptera dorénavant un regard différent sur le monde. Sa conduite sera changée. Sa vie prend une nouvelle direction et tout cela sera démontré dans les scènes à venir.