Le personnage principal doit avoir un problème. Par exemple, une héroïne frappée d’ostracisme parce qu’elle est coupable d’adultère. L’opinion régnante a tôt fait d’accuser le renégat qui ne se conforme pas.
Le héros peut aussi être tout marqué d’une blessure lointaine irrésolue qui lui a laissé comme une colère rentrée qui ne demande qu’à éclore et sourdre. Ce peut être aussi un personnage suffisant (tout en étant adorable) comme Flash McQueen (Cars).
Souvent la cause du problème (le problème est alors illustré par ses effets) est intérieur au personnage : orgueil, narcissisme, ambition, naïveté… ce sont des états psychologiques qui jouent contre le personnage.
Le péché pourrait être aussi plus moderne : alcoolisme ou toute autre addiction. Nos temps modernes sont d’ailleurs propices à toutes formes de prédation, à croire même qu’ils les facilitent.
Ce peut être aussi un péché mignon comme un goût immodéré pour le chocolat. Le problème pourrait aussi se situer dans quelque chose de plus prosaïque comme un mécontentement général à force d’observer le monde et ses dérives.
Connaître son personnage
Le problème est universel. Tout le monde peut être affligé d’un même problème. Seulement, les effets individuels en seront différents. Il est donc important de bien établir qui est votre personnage, indépendamment de ce qui pourrait le contrister quand l’histoire commence.
Lorsque vous aurez bien en main la personnalité de votre personnage principal (imaginez vos mains façonnant de l’argile), il sera temps de l’accabler d’un problème.
Lorsque le lecteur fait connaissance avec le personnage principal, il lui est d’abord exposé le quotidien du héros. On dit souvent qu’il est dans une zone de confort parce qu’apparemment il a accepté son lot comme si sa conscience critique s’était assoupie. Mais il peut être aussi dans une situation dont il pense ne jamais pouvoir s’extraire. On peut imaginer que sa classe sociale le condamne à une destinée qu’il ne mérite pas. Son seul crime est d’être né dans un monde qui est ainsi fait.
Le nœud dramatique qui change tout
Puis un événement va se produire. Et cet événement initiera un voyage dans l’inconnu pour notre héros. Celui-ci commencera à entrevoir des possibilités qu’il ne soupçonnait même pas (et cela donnera des possibilités narratives à l’auteur).
Peut-être qu’il se rend compte après tout qu’il a un problème dans sa vie et qu’il ait commencé à travailler dessus mais sans succès jusqu’à présent. Peut-être est-il conscient mais refuse de prendre le risque de changer les choses. Ou bien encore, par une sorte de déni, il n’a aucunement conscience qu’il est mal à l’aise dans sa vie.
D’ailleurs, il arrivera souvent (et c’en est presque une convention quel que soit le genre dans lequel on inscrit son histoire) que cet appel à l’aventure, que cette seconde chance en quelque sorte qu’on offre au personnage principal, soit refusé par lui. Peut-être par peur de l’inconnu.
Néanmoins, il finit toujours par accepter de s’engager dans cet univers inconnu et à la fin de l’histoire, il sera changé (pour le meilleur ou pour le pire, au choix de l’auteur).
Par exemple, le héros de l’histoire est un veuf qui vit en solitaire. Il a pratiquement élevé seul son fils.
Malheureusement, celui-ci meurt dans un accident de voiture et c’est sa belle-fille qui conduisait et qui s’en est sortie.
Il n’a pas fait le deuil de son fils (on pourrait dire que le processus est encore en cours). Il nourrit envers sa belle-fille une colère sourde la tenant pour responsable (quelles que soient les conditions de cet accident puisque ce n’est pas le propos pour le moment et ce n’est surtout pas l’incident déclencheur).
Donc, une animosité court dans les veines de notre héros comme un venin qui l’a rendu amer et paralysé. Et il n’en a pas conscience. Après tout, il n’a pas accompli son deuil et on peut le comprendre.
Puis une rencontre va avoir lieu. Il ignorait qu’il avait une petite-fille. Dans un premier mouvement, il va la rejeter. Les raisons qui peuvent expliquer pourquoi son fils et sa belle-fille lui ont caché cette enfant peuvent être explorées dans le cours de l’intrigue. Pour notre propos, nous retiendrons que cette enfant finira par ouvrir cette vieille blessure et qu’elle lui permettra de reprendre le processus normal du deuil. Elle va le forcer à faire face à sa colère rentrée.
Quel événement choisir comme incident déclencheur ?
Cet événement devrait découler naturellement de la connaissance intime que vous possédez de votre personnage. Si vous avez une idée claire de qui il est en tant qu’être humain (une fiction est une imitation de la vie), vous pouvez alors commencer à réfléchir au problème qui le hantera.
Un brainstorming peut vous aider à mettre le doigt sur la nature de ce qui taraude votre personnage principal. Lâchez votre muse. Ne rejetez aucune idée puisque votre génie sera guidé par la maîtrise de la personnalité de votre personnage.
Lorsque vous aurez listé tout ce qui peut vous passer par l’imagination, vous pouvez tenter de laisser le générateur aléatoire de nombre choisir pour vous le problème parmi tout ceux que vous aurez listés et numérotés.
Si vous pouvez expliquer les raisons de ce problème de votre personnage, vous tenez peut-être la solution à votre problème. Tant que vous pouvez répondre à la question de ce qui a causé ce problème chez votre personnage principal, vous serez cohérent avec votre histoire et avec ce que vous voulez communiquer à travers elle.
Il n’est pas suffisant de montrer les symptômes, il faut en expliquer les causes (c’est-à-dire la réponse iniiale qu’a donné votre personnage lorsque son problème est apparu pour la première fois). Et ce sera une réponse qui lui colle à la peau depuis bien avant le début de l’histoire puisqu’il est jeté dans cette dernière (qui est une situation après tout) avec ce problème spécifique dans sa personnalité.
Quelques exemples tirés de la vie ou de la fiction
Votre personnage principal s’est persuadé que la vie a été déloyale envers lui. Et il en conçoit une amertume, une colère qui règlent sa conduite et sa morale depuis que cette conviction s’est profondément installée en lui.
Une fiction nie les causes premières. Il faudra donc expliciter les raisons de cette conviction (du moins dans l’esprit de l’auteur).
Le personnage principal est hanté par la peur de la solitude. Cette frayeur l’a littéralement bloqué dans sa vie. Son arc dramatique consistera alors à montrer comment il parvient à dépasser cette frayeur qui peut avoir été causée parce qu’il s’est senti isolé d’une manière ou d’une autre au cours de son enfance.
Dans un scénario où tout est monstration, l’auteur doit montrer comment ce problème se manifeste dans le quotidien de son héros. Il doit pouvoir représenter un concept afin de le mettre à la portée de l’esprit de son lecteur.
Une relation difficile avec la mère du héros force celui-ci dans des retranchements au quotidien qui l’incite à commettre des actes immoraux dans la seule intention de rencontrer l’approbation de cette mère qui peut être défunte. Il y a du Norman Bates dans cette possibilité narrative. Gardez en tête que l’inspiration n’est pas du plagiat. Norman Bates est devenu un archétype en lequel vous pouvez puiser des éléments d’imitation pour votre propre personnage.
Le personnage principal éprouve un désir oppressant de se venger. L’intrigue de la vengeance est une intrigue parmi d’autres. Notez seulement que le défaut dans la personnalité du personnage est ce qui permet de produire l’intrigue. Le personnage est l’intrigue. Le choix d’une intrigue ne règle jamais l’invention des personnages.
La peur de l’engagement sous quelque forme que ce soit. Comme par exemple se marier ou bien se conformer à des règles (essentiellement sociales) par peur du rejet. Le divorce des parents du héros peut avoir eu des effets désastreux sur lui et l’avoir mené sur un chemin qu’il n’aurait pas dû suivre.
Des attributs comme l’égoïsme ou l’avarice peuvent être assignés au personnage principal lorsque nous faisons sa connaissance. Son parcours dans l’histoire consistera alors à tenter de dépasser des traits de caractère foncièrement négatifs (qu’il y parvienne ou non, selon l’auteur).
Les idées ne manquent pas. Et comme vous l’avez constaté, on peut librement s’inspirer d’individus réels ou de personnages fictifs pour élaborer la personnalité quelque peu torturée de son propre héros.
Pour me permettre de continuer. Merci