En France, il existe trois censures possibles: aux moins de 12 ans, 16 ans et 18 ans. La dernière est plutôt réservée aux films X, à quelques exceptions près comme Saw III. Les interdictions en salle ont aussi une répercussion sur le positionnement des DVD et Blu Ray en magasin, et sur la diffusion en télé. Ainsi, impossible pour un film interdit aux moins de 16 et 18 ans d’être visibles, ou d’être diffusés en prime time. La censure va au delà des salles obscures et de la protection des mineur-es; il s’agit bien d’un enjeu financier.
Zoom sur la question.
Comment se passe les classifications?
La question de censure au cinéma est gérée par la commission de classification, du CNC (Centre National du Cinéma et de l’image animée; structure publique de soutien principal au cinéma). Tout film passe devant cette commission. Les films qui ne posent pas problèmes de violence et/ou sexe, ou peu (les films avec avertissement), ne passent pas devant les jurés de la commission. Dans le cas contraire, une quinzaine de personnes se réunissent et après visionnage des films pré sélectionnés, débattent. C’est un vote classique qui se met en place, au détail près: en cas de voix à égalité, c’est le président qui aura le mot final. Mais c’est le Ministère de la Culture qui délivre les visas d’exploitation, il peut donc demander à la commission des ré-éxaminations.
Concernant l’interdiction aux moins de 18 ans, le CNC précise que « Lorsque l’œuvre ou le document comporte des scènes de sexe ou de grande violence qui sont de nature, en particulier par leur accumulation, à troubler gravement la sensibilité des mineurs, à présenter la violence sous un jour favorable ou à la banaliser, le visa d’exploitation ne peut s’accompagner que de l’une des deux dernières mesures prévues. » C’est à dire l’interdiction aux moins de 18 ans. Pourtant, sur quels critères se basent il pour déterminer cela? Les films sont reçus très différemment selon les gens. Un des exemples les plus flagrants sont les films de Pascal Laugier. Certains critiques jugent son cinéma sexiste, idiot, banalisant la violence…là où d’autres voient des films féministes, construits..
L’association Promouvoir et son danger
Depuis 1996, cette association issues de mouvements catholiques déposent régulièrement des recours pour renforcer les interdictions. Ainsi, leur première victoire a été de faire interdire Baise Moi de Virginie Despentes, aux moins de 18 ans. Plus récemment, c’est La vie d’Adèle qui s’est vu finalement retirer son visa d’exploitation en salle. Plusieurs recours ont été déposés: Sausage Party (ils ont été déboutés), Love, Saw 3D, les 8 salopards…
Le Président de l’association, André Bonnet, n’hésite pas à comparer l’homosexualité à la pédophilie et la zoophilie, en affirmant que bientôt c’est ce genre d’images qui sera autorisée à l’écran. Cela donne une idée des dégâts provoqués par cette association…
J’ai commencé à regarder des films (ultra)violents jeune, et je suis loin d’être la seule. La représentation de la violence et de la sexualité au cinéma n’est jamais anodine. Mais elle ne doit pas être taboue non plus. Car elle explique des choses sur notre nature humaine, sur les absurdités et les incohérences qui nous entourent. Elles permettent aussi de mieux nous connaître et de mieux cerner notre entourage. Pour cette raison, la violence et la sexualité au cinéma doivent être discutées, des échanges sur les ressentis doivent se faire. Et chaque adolescent-e est différent-e, avec des besoins différents. Verrouiller ainsi l’art, est non seulement inquiétant mais relativement peu efficace: avec le net, tout film est potentiellement disponible. Mais là, ça sera à l’écart des adultes. Et les dégâts peuvent être considérables. Tant au niveau psychologiques, que dans sa construction personnelle et corporelle.
Je ne dis pas qu’il faut que des jeunes regardent des films durs, mais je pense qu’on ne doit pas leur interdire systématiquement, et surtout sans explications, en se basant sur le fait qu’à 12, 16 ou 18 ans, on a la même maturité ou non pour appréhender un film. Et laisser des cartes à une association catholique, n’est jamais une bonne solution.
Sans compter que plus il y a de censure, et plus le paysage cinématographique dans les salles est uniforme. Et pourtant, ce n’est pas peu dire que le cinéma, notamment français, a besoin de montrer de la diversité.
Récemment, le ministère de la culture a modifié le code du cinéma, pour donner moins d’opportunités à Promouvoir d’entamer des poursuites. En effet, pour tenter de censure des films, Promouvoir pouvait jouer sur des conditions de versions VO/VF non conformes. Il auront une arme en moins. Wait and see…