Man on the Moon

Man on the Moon, biopic anglo-germano-américano-japonais de 1999, réalisé par Milos Forman, avec Jim Carrey, Danny DeVito et Paul Giamatti

Il y a quelques jours, Milos Forman nous quittait, laissant derrière lui 13 long-métrages et un bel héritage cinématographique. L’occasion était trop belle de rattraper un de ces films les plus connus, Man on the Moon, biopic sur l’unique et regretté Andy Kaufman. Porté par Jim Carrey, le film en vaut-il vraiment la chandelle ?

S’attaquer à un personnage aussi incroyable que Kaufman ne semblait pas tâche aisée sur le papier, tant l’artiste possédait un style unique en son genre. Forman a pourtant bien cerné la complexité de la chose et tente de se hisser à la hauteur d’Andy. Dès l’introduction, le réalisateur nous plonge dans le style Kaufman avec une séquence face caméra d’anthologie (et on s’arrêtera là pour laisser la saveur de la découverte à ceux qui ne l’ont pas encore vu). Cette scène, anodine peut-être au premier abord, est pourtant une manière assez habile d’introduire Kaufman et son humour si particulier sans brusquer le spectateur, tout en entamant ce jeu du chat et de la souris qui durera tout le long du film. En effet, le film va continuellement jouer avec le spectateur, le rendant acteur du spectacle kaufmanien devant nos yeux. En brouillant les pistes dès le début, Man on the Moon dresse un fil direct qui reliera le personnage au spectateur, notamment dans les moments de scène, celles où Andy Kauffman est « public », quand Forman décide assez souvent de filmer Jim Carrey de face. Plus qu’aux véritables spectateurs physiques dans les salles de spectacle, le film s’adresse par ces moyens à nous spectateurs, de manière à nous laisser objectivement le choix de nous investir dans le film. Vrai miroir de vie, le film nous offre la possibilité, si l’on choisit de suivre les pas de Kaufman, d’être un George Shapiro ou un Bob Zmuda, et de se laisser berner par toutes les aventures rocambolesques d’un personnage hors-du-commun, dans le spectacle de la vie qui se déroule devant nous, spectacle que Andy mène et que nous suivons.

Man on the Moon

Cette immersion est avant tout rendue possible, comme on l’a déjà dit, par un vrai travail de mise en scène profond et réfléchi pour humaniser le surhumain. Si le travail de Milos Forman est, comme toujours, d’une excellente qualité, il serait stupide pour nous de ne pas s’arrêter sur le grand point fort du film. Ici, Jim Carrey ne joue pas Andy Kaufman : il est Andy Kaufman. Sa carrière était alors auréolé surtout de nombreux rôles comiques comme The Mask ou Ace Ventura, et d’un gros rôle dramatique avec The Truman Show. Il réunira ici ces 2 facettes pour donner une profondeur et une vraie saveur à son interprétation. Qui de mieux que Jim Carrey pour Andy Kaufman ? Tous les deux briseurs de codes, Carrey s’investit complètement dans le rôle et se transcende pour nous offrir assurément son meilleur rôle. Si Milos Forman brise quelque peu les codes en mettant le spectateur au milieu, telle une pièce maîtresse, du film, il faut bien un acteur du charisme de Carrey pour nous guider avec aisance et subtilité entre les diverses facettes de Kaufman. Car, si l’on prend au jeu, le film s’ouvre à nous tel un nénuphar et la profondeur de son message se révèle à nous.

En plaçant le spectateur au milieu de son histoire, Forman prend le parti de le mettre en miroir de Kaufman, et implicitement en miroir du monde dans lequel ce dernier évolue. Plus qu’un simple biopic, Forman nous interroge sur nos rapports à ce monde de paillettes qui tolère si mal ceux qui sortent des carcans. La folie de Kaufman, après avoir tout renversé sur son passage, finit par se retourner contre lui et provoque sa dégringolade. En voulant bouger le colosse aux pieds d’argiles, Kaufman se heurte à un monde sans originalité, sans humanité presque, que Forman dénonce. Kaufman, plus qu’un humoriste, est avant tout un artiste profondément humain en rupture avec un système qui ne laisse plus de réelle place à la création et à la prise de risque. Au travers de ces différents personnages, de Tony Clifton à l’Etranger en passant par le champion de catch, Kaufman nous propose différentes facettes d’une humanité qui coule à flots en lui. En humanisant autant Kaufman, Forman tend à nous montrer qu’il y a en chacun une once d’originalité, de talent qui peut nous emmener très haut (comme au Carnegie Hall, avec du lait et des cookies) et nous permettre de forger le respect d’autrui. Face au cynisme du monde, Forman nous offre de l’espoir et nous démontre que, aussi fou et surhumain semblait-il, Kaufman était peut-être le plus humain de nous tous, même face à la maladie, et que sommeille peut-être en nous un nouveau Andy, prêt à tout renverser sur ce passage, comme le réalisateur tchèque avec sa sublime conclusion.

Man on the Moon

En clair, Man on the Moon est un très grand moment de cinéma. Plus qu’un biopic, Forman nous signe le portrait d’un grand homme au destin incroyable, tout en nous dépaignant une véritable ode d’humanité. Porté par un Jim Carrey possédé par le rôle, Forman nous démontre ici que son décès est une énorme perte pour le cinéma, tant la filmographie qu’il nous laisse est un véritable plaisir de cinéma, filmographie où Man on the Moon tient une place de choix, qui n’a d’égal que le talent d’Andy Kaufman.


Note

4,5/5

Avec Man on the Moon, Milos Forman nous démontre encore toute l’étendue de son talent. Porté par un Jim Carrey qui signe son meilleur rôle, le film est une énorme claque et un gros coup de coeur, tant son humanité et sa puissance le transcende et nous montre que nous avons ici à faire à plus qu’un simple biopic.


Bande-annonce :