Un grand merci à KMBO pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Lucky » de John Carroll Lynch.
« Etre seul et se sentir seul, ce n’est pas pareil »
Lucky est un vieux cow-boy solitaire. Il fume, fait des mots croisés et déambule dans une petite ville perdue au milieu du désert. Il passe ses journées à refaire le monde avec les habitants du coin.
Il se rebelle contre tout et surtout contre le temps qui passe. Ses 90 ans passés l'entraînent dans une véritable quête spirituelle et poétique.
« Je vais te dire un secret : j’ai peur »
« Lucky », c’est un vieil homme mystérieux et solitaire au quotidien bien réglé par les habitudes : une petite toilette, un verre de lait, un peu d’exercice, et une journée dédiée aux mots croisés et aux jeux télévisés. En attendant d’aller boire un verre au bar à la nuit tombée. Mais « Lucky », comme son nom l’indique, c’est aussi quelqu’un de chanceux. Un homme qui aura traversé toute la guerre sans jamais se retrouver en première ligne. Une force de la nature à la longévité et à la santé exceptionnelles malgré le tabac et les excès. Mais « Lucky », c’est surtout une sorte de double indissociable de son interprète, le formidable Harry Dean Stanton, immense second rôle qui aura traversé six décennies de cinéma américain (« Alien le huitième passager », « Luke la main froide », « New York 1997 », « Twin Peaks »...) jusqu’à en devenir tardivement une figure mythique grâce à son rôle principal dans le très beau « Paris Texas » de Wim Wenders. Un personnage à part, incarnation d’un certain esprit libre et rebelle, dans la lignée des Brando, Nicholson et autre Peter Fonda, qui refusera toujours de se soumettre à l’establishment hollywoodien. Une figure sur laquelle le temps semblait n’avoir pas eu véritablement de prise. Jusqu’à son décès en septembre 2017 à l’âge (honorable) de 91 ans.
« La vérité qui nous attend tous, c’est que tout va disparaitre. Nous tous. Tout disparaitra dans le vide et l’obscurité. Il ne restera rien. Alors il faut sourire »
Pour son premier film, l’acteur John Carroll Lynch (« Zodiac », « Shutter island ») nous propose une chronique mélancolique et élégiaque en forme de réflexion philosophique sur le temps qui passe et sur la mort qui approche inéluctablement. Et alors qu’il sent que la fin du chemin n’est plus très loin, Lucky - le corps flétri, l’allure hésitante - tente de donner un sens à tout cela. La vie et la mort comme les deux comme les deux faces d’une même pièce. Lui reviennent alors des souvenirs, pudiques, dans lesquels il tente de trouver des éléments de réponse : la culpabilité d’avoir tué une fois un oiseau ; la conscience de la brièveté de la vie quand d’autres espèces comme les tortues vivent deux fois plus longtemps que les hommes. Et surtout, l’humilité de comprendre que nous sommes au fond bien peu de choses. Le sourire malicieux, Lucky/Stanton parvient encore à nous émouvoir le temps d’une chanson au titre extrêmement évocateur (« Volver »). Et entouré de ses amis de cinéma (David Lynch, Tom Skerritt), dans un ultime pied-de-nez au destin et à la mort, il allumera encore une cigarette dans un lieu public avant de disparaitre, serein, dans une dernière volute de fumée. Avec ce film doux-amer et d’une infinie tendresse, Harry Dean Stanton, le sourire aux lèvres, s’offre là une sortie de scène émouvante, à la hauteur de son talent et de son élégance. Un merveilleux moment de cinéma.
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Le DVD : Le film est présenté en version originale américaine (5.1 et 2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.
Cette très belle édition comporte un second DVD dédié aux bonus, qui comprend notamment le documentaire (inédit en France) « Harry Dean Stanton : Partly fiction » (77 min., VOSTFR), un entretien avec le réalisateur (49 min.), des interviews de l’équipe du film, Quelques mots d’Harry Dean Stanton ainsi qu’une galerie photo.
Edité par KMBO, « Lucky » est disponible en édition collector double DVD depuis le 2 mai 2018.