Un grand merci à Pathé pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Les amoureux sont seuls au monde » de Henri Decoin.
« Les porte-bonheurs portent quelquefois bonheur »
Après dix-huit ans de mariage, Gérard Favier, un célèbre compositeur, est toujours aussi épris de Sylvia, son épouse. Après avoir fait la connaissance d'une jeune pianiste prometteuse, Monelle, le compositeur décide de la prendre sous son aile. Un jour, la presse à scandales prétend que le compositeur et sa protégée ont une liaison secrète. Monelle se prend à espérer gagner le cœur de Gérard. De son côté, Sylvia sombre dans le désespoir.
« J’attends toujours la chanson d’amour que tu as promis de m’écrire pour moi toute seule il y a dix-huit ans »
Après une jeunesse d’aventures - il est tour à tour nageur olympique, pilote de chasse, journaliste - Henri Decoin se consacre au cinéma à partir de la fin des années 20. Ses premiers films sont ainsi placés sous le signe d’un cinéma volontiers léger, incarné par sa muse, la délicieuse débutante Danielle Darrieux, qui deviendra pour un temps son épouse. Gagnant en maturité, Henri Decoin délaissera progressivement les comédies légères au profit de genres tels que le drame (« La vérité sur Bébé Donge »), le policier (« Razzia sur la chnouf ») et le film historique (« L’affaire des poisons ») qui lui permettront de gagner ses galons et de s’imposer comme l’une des figures majeures du cinéma français des années 40 et 50. Tourné au lendemain de la fin de la guerre, en 1948, « Les amoureux sont seuls au monde » marque la première des trois collaborations de Decoin avec le scénariste Henri Jeanson, mythique scénariste de Julien Duvivier (« Pépé le Moko », « Un carnet de bal », « Marie-Octobre »...) et de Carné (« Hôtel du nord »).
« Tu m’aimes mais je ne peux plus rien pour toi. Le coup de foudre est tombé à côté »
Le cœur a ses raisons que la raison ignore, dit-on. Une façon détournée de rappeler la dimension mystérieuse et inexplicable qui entoure le sentiment amoureux. Avec « Les amoureux sont seuls au monde », élégant mélodrame, Henri Decoin cherche donc à percer avec une certaine acuité les mystères de la longévité du couple. La passion dure-t-elle toujours ? Rend-elle aveugle au point d’ignorer toute tentation ? Peut-elle survivre à une trahison ? Autant de questions qui passionnent le cinéaste alors que lui-même, séducteur impénitent, ne parviendra jamais réellement à s’épanouir dans des relations de longue durée. Il se livre ainsi à de nombreuses études sur le couple au cours des années 40 et 50 (« Je suis avec toi » (1943), « Clara de Montargis » (1951), « La vérité sur Bébé Donge » (1951) ou encore « Le désir et l’amour » (1952)) qui constituent un ensemble à part au sein de sa filmographie. Dans le cas présent, il se concentre sur un couple entre deux âges et a priori sans aspérité, Gérard et Sylvia semblant s’aimer comme au premier jour et liés par un amour sincère. Ce que nous montre une formidable scène d’ouverture où, dans un jeu de séduction, les deux époux rejouent malicieusement la scène de leur rencontre. Mais si la séquence - d’une grande modernité - se révèle festive et joyeuse, il plane déjà dans l’air comme une ombre menaçante : la belle complicité du couple parait fragile et Sylvia, dans une froideur lucide, évoque la possibilité que son amant finisse par se lasser d’elle. D’ailleurs, à peine la séquence se finit-elle que le ver entrera dans la pomme, par l’intrusion d’une jeune pianiste surdouée que le héros prendra sous son aile. La rumeur populaire fera le reste, finissant par faire vaciller les certitudes des personnages. Grâce à un scénario habile et étonnamment moderne (dénonciation de la presse à scandales, de la course au sensationnalisme...), Decoin signe là un subtil drame sentimental, plutôt pessimiste néanmoins quant à sa vision du couple. Si on regrettera peut-être un peu la radicalité lacrymal du final, pour le coup assez daté, on soulignera la formidable interprétation de Louis Jouvet et de Renée Devillers qui compte pour beaucoup dans la réussite du film.
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Le DVD : Le film est présenté dans une nouvelle copie intégralement restaurée à partir d’un master 2K du film, en version originale française (2.0). Des sous-titres français pour malentendants et anglais sont également disponibles.
Côté bonus, le film est accompagné d’une fin alternative dite « optimiste » (7 min.) ainsi que de « La belle partition » (52 min.) documentaire de Roland Jean-Charna sur le film.
Edité par Pathé, « Les amoureux sont seuls au monde » est disponible en combo collector DVD + blu-ray depuis le 11 avril 2018.
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