Irma la Douce

Un grand merci à Rimini Editions pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Irma la Douce » de Billy Wilder.

Irma_la_douce

« Ils font l’amour ? Mais c’est illégal ! »

Pour sortir de la rue celle qu'il aime, Irma, Nestor, ancien gardien de la paix, n'hésite pas à se déguiser en un certain lord X, gentleman anglais.

Ce bon gentleman donne mille francs par semaine à la belle pour jouer au double solitaire avec elle.

De quiproquo en quiproquo, lord X et Nestor ne feront plus qu'un pour la plus grande joie d'Irma la très douce...

« Vous allez au devant des ennuis : plumer une volaille face au vent, on en ressort la bouche pleine de plumes ! »

Irma_la_douce_Shirley_McLaine

Scénariste (et dialoguiste) facétieux, réalisateur de génie, le nom de Billy Wilder restera à jamais associé à une certaine idée de cinéma, à la fois léger, drôle et élégant. Après avoir fuit l’Allemagne Nazie alors qu’il était l’un des poulains les plus prometteurs des studios de la UFA, il s’imposera d’abord comme scénariste dans les années 30 (pour Lubitsch et Hawks notamment) avant de réaliser ses propres films. Aussi à l’aise dans le film noir (« Assurance sur la mort », « Boulevard du crépuscule ») que dans le drame (« Le poison », « Le gouffre aux chimères »), il montre néanmoins très vite une prédilection pour la comédie (« La scandaleuse de Berlin »), genre dans lequel il obtient ses plus gros succès (« Sabrina », « Ariane »...). Après le triomphe de « Certains l’aiment chaud » (1959) puis de « La garçonnière » (1960), il entame dans les années 60 un cycle de comédies assez décomplexées, comme « Un, deux, trois » (1961), « Embrasse-moi idiot » (1964) et « La grand combine » (1966) qui ne prendra fin qu’avec le formidable  « La vie privée de Sherlock Holmes » (1970). Bien ancré dans ce cycle, il signe ainsi en 1963 « Irma la douce », d’après la célèbre comédie musicale d’Alexandre Breffort et Marguerite Monnot. S’il envisagea un temps de confier le rôle titre à Marilyn Monroe (décédée peu avant la mise en chantier du film) ou à Elizabeth Taylor, il choisit finalement de réunir pour la seconde fois le duo Shirley McLaine et Jack Lemmon, qui triompha trois ans plus tôt dans « La garçonnière ».

« Tu ne connais pas les hommes : tu en as eu beaucoup trop. Du coup, tu ne sais pas reconnaitre ceux qui t’aiment vraiment »

Irma_la_douce_Wilder

Si à l’origine « Irma la douce » était un spectacle musical, Wilder fait ici le choix d’en évacuer les chansons pour n’en garder que la trame scénaristique. Soit dans le Paris des années 50, un policier naïf qui refuse de se laisser corrompre mais tombe amoureux de la gagneuse Irma la Douce qui le transformera malgré lui en proxénète. Malheureux de devoir partager la femme qu’il aime avec le tout venant, il s’inventera un double, Lord X, afin de monopoliser le temps de « travail » de sa femme et ainsi s’assurer qu’elle ne le trompe pas. En plein déclin du Code Hays qui sera finalement abolit quelques mois plus tard après trois décennies d’existence, Wilder se joue ici de la moralité et de la bienséance de rigueur à Hollywood avec cette comédie truculente et gentiment grivoise, centrée sur le microcosme des filles de joie et de leurs « macs ». Gouailleurs à souhait, les dialogues, souvent fort drôles, détonnent quelque peu pour la production cinématographique de l’époque de par leur aspect assez crus et joyeusement graveleux. Surtout, le film permet à Wilder de retrouver et de combiner les obsessions entrevues dans ses précédents films de façon assez récréative : le désir interdit par le carcan de la morale (« Sept ans de séduction »), l’amour pour une femme non-exclusive et le sexe comme moyen de promotion sociale pour les hommes (« La garçonnière »), le travestissement et l’invention d’un autre soi - de façon quasi schizophrène - comme échappatoire à sa condition (« Certains l’aiment chaud »). Le but du cinéaste étant clairement ici de nous divertir et de nous amuser. Et force est de constater qu’en dépit de quelques longueurs (le film dure quand même 145 minutes !), les bons mots et les situations loufoques (excellente scène où le héros se fond dans la masse des policiers venus l’interpeller) fonctionnent à merveille, pour notre plus grand plaisir. S’il ne parvient cependant pas à retrouver le charme et la perfection de « Certains l’aiment chaud » (malgré un final qui y ressemble beaucoup), cette « Irma la douce », bien qu’assez mineur dans la riche filmographie de Wilder et mal-aimé de la critique, n’en demeure pas moins très drôle et éminemment sympathique.   

Irma_la_douce_Jack_Lemmon

***

Le DVD : Le film est présenté en version restaurée dans un nouveau Master haute-définition, en version originale américaine (1.0) ainsi qu’en version française (1.0). Des sous-titres français sont également disponibles. 

Côté bonus, un second DVD, intégralement consacré aux suppléments, vient compléter cette belle édition et propose notamment une conversation entre les journalistes Olivier Macheret (Le Monde) et Frédéric Mercier (Transfuge) (33 min.), « Photos revisitées » : Les décors d’Irma la Douce conçus par Alexandre Trauner, un entretien avec Didier Naert, peintre et architecte (6 min.), « Naissance d’Irma la douce » : Entretien avec Laurent Valière, producteur de l’émission 42ème Rue (11 min.) et une bande-annonce. Un livret de 32 pages vient compléter cette édition.

Edité par Rimini Editions, « Irma la Douce » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 24 avril 2018.

La page Facebook de Rimini Editions est ici.