Meurtre sans faire-part

Un grand merci à Elephant Films pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Meurtre sans faire-part » de Michael Gordon.

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« Apprends à souffrir comme je souffre, il n’y a pas besoin de permis pour ça »

La mort de Matt Cabott, un riche armateur, semble naturelle. Le cruel homme d’affaire était contraint de passer sa vie alité, sous l’œil de son épouse Sheila, de son médecin David et de son fondé de pouvoir Howard Mason. Ce dernier est fou amoureux de la femme du défunt, mais celle-ci ne cesse de repousser ses avances  : et pour cause, elle est l’amante du docteur, avec qui elle a fomenté le meurtre de son cruel mari. Quand les amants reçoivent une lettre voulant les faire chanter pour leur crime, ils soupçonnent rapidement Howard, et se demandent jusqu’où ils seront prêts à aller pour le faire taire.

« Si quelqu’un m’avait dit qu’un jour j’en viendrai à souhaiter la mort d’un de mes patients... »

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Homme de théâtre avant tout, Michael Gordon se fait connaitre à Broadway au milieu des années 30, en intégrant le célèbre Group Theatre où il fréquente la fine fleur de la nouvelle scène américaine : Lee Strasberg, Elia Kazan, Clifford Odets, Lee J. Cobb ou encore John Garfield. C’est ainsi qu’il se fait remarquer et qu’il part à Hollywood où il réalisera de nombreux films de série B tout au long des années 40 (« Another part of the forest », « Le droit de tuer ? », « L’araignée »). Mais alors que sa carrière de cinéaste semble véritablement prendre son envol suite au succès de « Cyrano de Bergerac » (1950, qui valut à José Ferrer l’Oscar du Meilleur acteur), Michael Gordon est rattrapé par la Commission du Sénateur McCarthy qui lui reproche ses sympathies communistes. Blacklisté, il disparait ainsi de la circulation et des plateaux de cinéma pendant près d’une décennie, jusqu’à être rappelé en 1959 pour mettre en scène la comédie « Confidences sur l’oreiller » porté par le duo très à la mode Doris Day et Rock Hudson. Dès lors, il entamera une seconde carrière, consacrée quasi exclusivement à des petites comédies de mœurs assez légères (« Trois filles à marier », « Pousse-toi chérie », « Le coup de l’oreiller »). Seule exception à cette règle, il réalise en 1960 le film noir « Meurtre sans faire-part » d’après une pièce à succès de Ivan Goff et Ben Roberts qu’il avait déjà tenté - en vain - de produire en 1950 avant d’être inquiété.

« Il peut nous envoyer à la chambre à gaz. Nous n’avons pas le choix : il faut se débarrasser de lui »

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« Meurtre sans faire-part » est ainsi le récit d’un crime passionnel. Une histoire d’amour interdite entre la femme d’un riche magnat handicapé et autoritaire et son médecin. Un couple illégitime donc, qui finira par supprimer d’un commun accord l’encombrant mari pour se donner une chance de vivre leur bonheur au grand jour. Mais dans ce flot de sentiments ambigus et contradictoires où l’amour et la mort se retrouvent intimement imbriqués, les amants seront vite rattrapés par une série de lettres anonymes les mettant directement en cause. Délicieusement vénéneux et cynique à souhait, le scénario jouera ainsi sur l’ambigüité des personnages qui gravitent autour du couple pour faire de chacun d’eux des corbeaux potentiels. De prime abord, le film rappelle formellement les thrillers hitchcockiens des années 50 et notamment « Le crime était presque parfait » dont il parait être un lointain cousin. Mais force est de constater que le film de Gordon est dénué de toute forme de second degré, laissant la place ici à la puissance grave des sentiments contradictoires (passion et culpabilité). Contre toute attente, c’est finalement vers le cinéma de Douglas Sirk, auquel il emprunte son regard critique et sombre sur la bonne société américaine et notamment sur la bourgeoisie industrielle, que le film de Gordon semble lorgner. Comme dans « Ecrit sur du vent », le scénario dénonce les travers d’une caste privilégiée et moralement corrompue par l’argent, à l’image de l’attitude de ce patriarche autoritaire et arrogant malgré ses déficiences physiques, ou de ce chargé de pouvoir manipulateur et prêt à tout les coups bas y compris les plus douteux pour écraser ses concurrents. En creux, le cinéaste pointe également le mépris de ce petit microcosme privilégié pour tous ceux qui ne sont pas de leur milieu (chauffeur, domestiques, secrétaires...), y compris pour le personnage du médecin, petit immigré issu d’un milieu populaire. Gordon signe là un drame moral flamboyant (le médecin torturé d’avoir trahi son serment), porté qui plus est un par un casting prestigieux dominé par l’immense Anthony Quinn et la belle Lana Turner.

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Le blu-ray : Le film est présenté en version restaurée HD, en version originale américaine (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné d’une présentation par le journaliste Mathieu Marcheret, de la Bande-annonce d’époque et d’une galerie de photos.

Edité par Elephant Films, « Meurtre sans faire-part » est disponible en édition combo blu-ray + DVD, ainsi qu’en édition DVD simple, depuis le 2 mai 2018.

Le site Internet d’Elephant Films est ici. Sa page Facebook est ici.