En tant que rookie, il est d’abord cantonné à des tâches ingrates et doit se heurter sans broncher au comportement raciste et hostile de certains de ses collègues. La chance tourne heureusement très vite, car grâce à sa couleur de peau, il peut effectuer des missions d’infiltration au sein de la communauté Afro-américaine, notamment surveiller les Black Panthers et les activistes les plus hostiles aux pouvoirs publics. Il est donc affecté au service des renseignements. Mais le service ne surveille pas que les activistes afro-américains. Dans les états du sud, les policiers gardent aussi un oeil sur les illuminés du Ku Klux Klan, histoire de vérifier que les draps restent bien propres et non tachés par le sang d’innocents citoyens. Aussi, sur un coup de tête génial, Stallworth appelle la cellule locale du KKK et se fait passer pour un blanc raciste et antisémite souhaitant adhérer au groupe.
A l’autre bout du fil, les fanatiques mordent à l’hameçon. Mais ils demandent à le rencontrer physiquement pour l’évaluer. Evidemment, hors de question que Ron y aille en personne, car les encagoulés risqueraient de ne pas vraiment goûter la plaisanterie. Aussi, c’est son collègue blanc, Flip Zimmerman (Adam Driver) qui doit jouer son rôle. Certes, ses origines Juives constituent aussi une monstruosité aux yeux des Konnards du Klan, pourtant, mais il lui est plus facile de cacher sa confession que, pour Stallworth, de dissimuler la couleur de peau.
Contre toute attente, cette opération va prendre une ampleur inattendue, car non seulement le duo va réussir à adhérer au KKK local et à se faire accepter par ces bouseux d’ordinaire très suspicieux, mais il vont aussi être en mesure d’accéder à des responsabilités au coeur de la structure, jusqu’à piéger le leader de l’organisation lui-même, et déjouer un important complot.
L’histoire est improbable, et pourtant elle est vraie! Ron Stallworth a bel et bien existé, et cette opération d’infiltration ubuesque a été menée à bien, freinant le renouveau des groupuscules d’extrême droite à la fin des années 1970. Une véritable aubaine pour Spike Lee, qui semble prendre beaucoup de plaisir à montrer d’odieux petits Blancs racistes se faire berner par un Noir et un Juif. Le cinéaste, toujours aussi engagé, en profite pour faire passer quelques messages à propos de l’Amérique contemporaine : droits des Afro-américains encore trop souvent bafoués, inconscience du peuple américain qui a porté à la Maison Blanche un fou furieux, digne héritier des leaders de l’extrême-droite sudiste, danger des regains d’extrémisme et de fascisme… Il en profite aussi, bien évidemment, pour adresser quelques piques à Donald Trump.
Cette volonté d’en découdre s’accompagne d’un regain d’inspiration artistique. Certes, Spike Lee ne retrouve pas tout à fait le charme de ses premiers films, mais BlacKkKlansman est d’un niveau sensiblement plus élevé que ses réalisations les plus récentes et on est heureux de voir qu’il n’est pas totalement perdu pour le cinéma.