Malgré ces conditions de vie précaires, ces individus semblent avoir trouvé un certain équilibre au sein de ce foyer. Même la petite Juri semble se reconstruire auprès de cette famille d’adoption. Mais une succession d’aléas va briser ce rêve et nous obliger à considérer différemment cette Affaire de famille.
Le nouveau long-métrage d’Hirokazu Kore-Eda est la parfaite synthèse de l’ensemble de son oeuvre. On y retrouve tous ses thèmes de prédilection : la force des liens familiaux, comme dans Notre petite soeur ou I wish, les rapports intergénérationnels, comme dans Still walking, le combat d’individus pour se sortir de leur survie, comme le paumé magnifique d’Après la tempête, les questionnements autour de ce qui définit le lien parent-enfant, comme dans Tel père, tel fils, les apparences trompeuses, comme dans The third murder et l’évocation de faits divers ancrés dans un contexte social, comme dans Nobody knows. Quand on parle de synthèse des thématiques habituelles de kore-Eda, on parle d’une sorte de quintessence, pas d’un “best-of” censé camoufler une perte d’inspiration, comme cela arrive parfois avec des cinéastes en bout de course. Ici, tout est entrelacé au coeur d’un récit finement écrit, destiné à toucher le spectateur.
Le cinéaste prend d’abord le temps de nous présenter ses personnages, de nous attacher à eux, à l’aide de scènes souvent tendres et drôles, à la façon de ses habituelles chroniques intimistes, pleines de vie et de poésie, avant de faire basculer le récit subitement dans un autre registre, plus grave, plus poignant. Il nous oblige alors à considérer différemment les personnages, en les montrant sous un jour moins flatteur, presque antipathique. Mais in fine, cela ne fait que renforcer leur profonde humanité et à mettre en exergue l’amour qui les unit les uns aux autres, au-delà de ce qui définit les liens familiaux au sens strict.
Avec un art de la mise en scène au zénith, des plans finement composés et ciselés, et une direction d’acteurs une fois de plus remarquable, Hirokazu Kore-Eda nous enchante et nous bouleverse.
Une affaire de famille est assurément l’un des plus beaux films de ce 71ème Festival de Cannes. Après avoir reçu le prix du jury pour Tel père, tel fils, le cinéaste nippon recevra-t-il enfin la très convoitée Palme d’Or? On lui souhaite de tout coeur, même si la 71ème compétition cannoise est encore loin d’être terminée…