Le premier est un road-movie solaire, empli d’humanisme, de générosité et de bienveillance, qui suit le périple en charrette d’un lépreux et d’un orphelin le long du Nil, à la recherche de leurs origines. La mise en scène, sobre et pudique, d’A.B.Shawky, le charisme du comédien principal, Rady Gamal, et la bouille craquante de son jeune complice Ahmed Abdelhafiz ont séduit la quasi-totalité du public cannois. (Lire notre critique)
Le second a aussi réussi à enthousiasmer le Grand Théâtre Lumière avec son esprit rock’n roll et sa mise en scène énergique, pleine d’inventivité. Leto s’intéresse à l’émergence du rock soviétique underground, au début des années 1980 et notamment à deux de ses leaders, Mike Naumenko, fondateur du groupe Zoopark, et Viktor Tsoï, auteur et chanteur du groupe Kino, ainsi qu’à leur muse commune, Natacha.
A première vue, le film semblait assez austère, avec ses images léchées, en noir & blanc, et ses plans étouffants, mais il fait souffler un véritable vent de liberté sur le public, qui passe par la musique, bien sûr, mais aussi par l’image, avec l’irruption régulière d’éléments fantaisistes, tels qu’imaginés par les personnages. On suit avec bonheur cette communauté de musiciens solidaires, déterminés à faire bouger les choses dans leur pays et à s’opposer à l’idéologie dominante avec leurs propres armes – la musique, l’impertinence, l’insouciance de la jeunesse…
Rafiki, film kenyan présenté dans la section Un Certain Regard, n’était pas non plus parmi les films attendus avec le plus d’impatience par les festivaliers, mais il a malgré tout réussi à attirer un large public, curieux de découvrir cette oeuvre interdite dans son pays d’origine pour avoir osé défendre le droit à la différence et la liberté de vivre sa sexualité sereinement. C’est aussi le rôle d’un festival de cinéma que de faire découvrir des auteurs et de les défendre contre toutes les formes de censure. Cette mission a parfaitement été remplie avec la projection de ce film. (Lire notre critique)
La présence de Sergeï Loznitsa était en revanche plus logique, après la présentation de trois longs-métrages en compétition officielle au cours de ces dix dernières années. Son nouveau film, Donbass a cette fois dû se contenter d’une sélection à Un Certain Regard, mais cela ne l’a pas empêché de convaincre une bonne partie des cinéphiles. Cette fable édifiante, composée de 13 sketchs à la fois grotesques et inquiétants, illustre parfaitement le chaos dans lequel est plongé l’est de l’Ukraine, en proie à des tensions entre les forces gouvernementales et les milices pro-russes. (lire notre critique).
A la Semaine de la Critique, le choix de Paul Dano pour assurer l’ouverture n’était pas non plus une surprise. Le public apprécie beaucoup cet acteur, connu pour ses rôles dans Little Miss Sunshine, There will be blood, Prisonners, et ne s’est pas fait prier pour découvrir ses premiers pas en tant que réalisateur. Il n’a pas du être déçu, car Wildlife, jolie chronique intimiste sur l’éclatement d’une cellule familiale, dans l’Amérique des années 1960, s’appuie sur une mise en scène élégante, évoquant les toiles d’Edward Hopper. (Lire notre critique)
Côté Quinzaine des Réalisateurs, c’est Ciro Guerra et Cristina Gallego qui ont eu les honneurs d’une présentation en ouverture. Nous avons entendu beaucoup de bien de Les Oiseaux de passage, qui retrace la naissance et le développement d’un empire de narcotrafiquants au nord de la Colombie. Après le succès de son précédent film, L’Etreinte du serpent, Ciro Guerra semble confirmer qu’il est l’un des cinéastes sud-américains les plus intéressants du moment.
En tout cas, après la semi-déception Asghar Farhadi en ouverture de la compétition officielle, voilà un festival qui commence sur des bases élevées. Espérons que les autres journées de projections procureront autant de surprises et d’émotions fortes.
A demain pour la suite de ces chroniques cannoises.