Premier long métrage de la réalisatrice-scénariste Marie Monge après plusieurs courts métrages dont "Marseille la Nuit" (2012) nommé au César. Pour ce premier essai elle a été sélectionnée à La Quinzaine des Réalisateurs au dernier Festival de Cannes 2018 avec ce film qui a pour toile de fond la dépendance aux jeux d'argent où comment un joueur compulsif et looser séduit une jeune restauratrice et l'emmène dans ses virées nocturnes dans les cercles de jeux clandestins. Jeux d'argents et amour, on pense aussitôt au beau "La Baie des Anges" (1963) de Jacques Demy, mais la comparaison s'arrêtera là... Marie Monge co-signe le scénario avec Julien Guetta qui signe son premier long en tant que réalisateur avec la comédie "Roulez Jeunesse" (2018) qui sort dans quelques semaines, puis avec Romain Compingt qui a participé au succès mérité du divin (2016) de Houda Benyamina. Au casting elle retrouve entre autres l'acteur Karim Leklou qui était dans son court "Marseille le Nuit".
Ce dernier retrouve deux acteurs avec qui il a été révélé, Jean-Michel Correia (3 films avec Leklou) qui fut 2nd assistant réalisateur sur le chef d'oeuvre "Un Prophète" (2009) de Jacques Audiard, puis Tahar Rahim révélé dans le rôle titre justement de "Un Prophète". Tahar Rahim revient après un petit rôle dans la production internationale "Marie Madeleine" (2018) de Garth Davis, ce qui crée un petit raccord avec sa partenaire Stacy Martin, révélation de "Nymphomaniac" (2013) de Lars Von Trier et qui revient après un très petit rôle dans la grosse production américaine "Tout l'argent du monde" (2017) de Ridley Scott. A leurs côtés on notera le couple joué par Marie Denarnaud et Bruno Wolkowitch... La cinéaste explique qu'elle a eu idée du sujet après eu connaissance de ce milieu interlope où la faune reste bien particulière tout en regroupant tous les milieux sociaux. Et surtout elle a voulu cassr un code bien connu du Film Noir. Elle précise ainsi : "On se disait que Abel serait la femme fatale du film. Vous voyez ces personnages doux et vénéneux, désarmants, qu'on a envie de protéger, de sauver d'eux-mêmes ? Dans le Film Noir, ce sont souvent des femmes, et l'homme va vers elles en pensant qu'il sera assez fort pour les sauver, précipitant sa chute. L'idée était d'inverser les rôles"... La première gageure était de reconstituer un cercle de jeu, il n'en explique plus à Paris officiellement à l'exception du Cercle Clichy. Beaucoup de documentation et d'enquête ont aidé au scénario et au réalisme du récit mais aussi pour "ressusciter un monde disparu". Sur ce point c'est une réussite.
Malheureusement en parallèle le scénario est plombé par un paramètre qui pourrait être anodin s'il n'était pas si essentiel à la cohérence du récit. En effet, le film fait l'amalgame entre cercle de jeu officiel et déclaré et les cercles clandestins, passant l'un à l'autre et/ou occultant la frontière entre les deux types d'établissements ; d'autant plus flagrant quand l'interdiction de jouer semble fonctionner dans un club clandestin. C'est particulièrement maladroit. Dans un autre contexte, on se demande bien pourquoi l'héroïne cherche (évitons le spoiler !) à l'aveugle alors qu'il est évident de débuter par un personnage bien précis. Et enfin, on peux revenir à la déclaration de la réalisatrice Marie Monge sur le rôle inversé de la "femme fatale" entre les deux personnages principaux. Si l'idée est savoureuse il est dommage que la cinéaste ne fait qu'effleurer l'idée. En effet, Ella reste particulièrement naïve et soumise émotionnellement, voir fragile et en cela elle reste dans un profil encore trop classique de la femme. Tandis que Abel lui, reste un arnaqueur certainement pas doux, vénéneux sans doute et surtout manipulateur à un point où on a bien du mal à s'attacher à lui. Ce sentiment d'antipathie reste problématique surtout à la fin, Abel reste un parasite auquel on ne peut croire... Par contre on apprécie la photographie qui colle bien à l'idée qu'on peut se faire du milieu de la nuit, avec un bon climax dans la partie nocturme (moins dans la partie diurne, abus notamment du gris et de la pluie, ambiance dépressive facile). En prime une belle alchimie entre Tahar Rahim (qui a été vieilli et buriné pour accentuer son vécu) et Stacy Martin. Un bon premier film, imparfait et maladroit mais qui reste prenant et surtout prometteur.
Note :
