SYNOPSIS: Max Skinner, un banquier d'affaires anglais, hérite du vignoble provençal où il passait autrefois ses vacances d'été aux côtés de son oncle. Il y retrouve Francis Duflot, le vigneron qu'il a connu enfant et qui veille depuis trente ans sur les cépages.
Alors qu'il prend possession de ses terres, Max apprend qu'il est suspendu suite à une de ses transactions douteuses. Il se résout à s'installer quelque temps dans la propriété. Sachant qu'un château et un vignoble peuvent valoir plusieurs millions de dollars si le vin est bon, il envisage de vendre. Pourtant, il faut se rendre à l'évidence : le domaine ne produit qu'une horrible vinasse.
Max commence peu à peu à goûter la douceur de la vie provençale, mais une jeune Californienne, Christie Roberts, débarque soudain et prétend qu'elle est la fille illégitime de l'oncle décédé, ce qui pourrait faire d'elle l'héritière du domaine...
Des fois, c'est bien de se détendre un peu... Surtout quand on est cinéaste, et qu'on sort d'une période d'un tournage intensif (au mieux) ou d'une enfilade ininterrompue de films sur plusieurs années (au pire). Quasi stakhanoviste en ce qui concerne la deuxième option, Ridley Scott s'est aussi autorisé cette petite période de repos au travers d'un film conçu comme une petite récréation entre deux blockbusters à budget enflé. Et quoi de mieux qu'une adaptation d'un livre ( A Good Year) écrit par son voisin de vacances du Lubéron (l'écrivain anglais Peter Mayle ) et situé près de sa maison du Vaucluse ? Presque des vacances, en somme. Pour quel résultat ? Un film qui, aux yeux d'un grand nombre de spectateurs (y compris ses fans), relève presque de la mauvaise petite parenthèse dans une filmographie qui contient pourtant de bien pires spécimens filmiques (hein ? Prometheus ? Alien Covenant ? euh, non, désolé, connais pas...). Or, au-delà du fait que l'on puisse être très amateur de vin à la base (c'est le cas de l'auteur de ces lignes) ou même très familier du coin où se déroule le film (idem), force est de reconnaître qu 'Une grande année réussit son pari : fuir toute forme de prétention et susciter une légère ivresse identique à celle procurée par un bon cru, à déguster l'ombre sur sa terrasse, assis sur une chaise, face aux vignes tandis que le soleil se couche... Oui, c'est si bon d'être enfin en été...
Sur le papier, tout est là pour appeler au schématisme le plus appuyé. En gros, Russell Crowe commence par singer le trader londonien sans cœur ni scrupules avant de s'en aller retrouver le goût des choses simples dans une carte postale du Lubéron. Et il faut bien avouer que le spectre de la réclame Herta sponsorisée par un émule de Jean-Pierre Pernaut fait son petit bonhomme de chemin dans la tête pendant une bonne demi-heure de pellicule, tant tout ce qui traverse l'écran a moins l'allure d'une composante de film que d'un produit qu'il s'agirait avant tout d'embellir et de rendre savoureux. Si ça marche, c'est parce que l'effet produit est identique à la gêne carabinée souvent provoquée par la pub, vouée à susciter le fou rire avec un contenu risible au possible. Ainsi donc, on prend un pied fou à admirer l'interprète oscarisé du général/esclave Maximus donner vie au match de tennis fantasmé Perry/Lacoste avec l'un des Inconnus (un Didier Bourdon crado et mal rasé avec un maillot de l'OM !), traverser la Provence dans une Smart au GPS récalcitrant en écoutant Moi Lolita d' Alizée, chuter dans une piscine vide avant de se prendre des jets d'arrosage dans la tronche, reluquer (le tatouage sur le pied de) Valeria Bruni-Tedeschi, se laisser draguer comme un jeunot par une Isabelle Candelier en pleine Maïté -attitude, draguer sa dulcinée sur fond d'une projection provençale d' Et Dieu créa la femme de Roger Vadim , ou faire chuter de vélo une Marion Cotillard échappée d'une pub Bridélice (avec chapeau de paille et jupe agitée par le vent), le tout shooté comme un spot télévisé pour les pâtes Barilla. Face à tout ça, en effet, on a souvent envie de rire. Et on rit très souvent. Non pas " contre ", mais " avec ".
Que l'on puisse lire le résultat comme un gros plaisir coupable ou comme une agréable dilatation du diaphragme importe finalement assez peu. La beauté du Scope, magnifiant avec brio la lumière et les senteurs d'une Provence que les connaisseurs du coin jugeront finalement assez crédible, laisse déjà transpirer toute l'âme de Ridley Scott, autant peintre qui dessine autant que cinéaste qui (re)crée. De même qu'un bon vin flatte les papilles parce qu'il évoque comme sensations gustatives et mentales, Une grande année ne compte ici que sur un brillant sens de l'atmosphère et des acteurs assumant avec gourmandise les clichés vieillots qu'ils incarnent pour emporter notre adhésion. L'effet est assez proche de celui de revoir un vieux film populaire - et un peu ridicule - des années 70-80 que l'on aurait soudain eu envie de ressortir du grenier, longtemps après qu'il ait constitué une vraie madeleine de Proust pour le jeune cinéphile en devenir. Inutile, cela dit, d'espérer y tracer un trait d'union avec la richesse des autres blockbusters du père Scott. Tout relève ici d'une détente pépère de deux heures, où l'image-cliché flatte la vue et titille l'odorat tandis que le personnage-cliché amuse l'ouïe et revendique le goût des choses simples. Oui, des fois, c'est bien de se détendre un peu...
BIEN