[CRITIQUE] : Zoe

Par Fuckcinephiles
 
Réalisateur : Drake Doremus
Acteurs : Ewan McGregor, Léa Seydoux, Rashida Jones, Theo James, Miranda Otto,...
Distributeur : Netflix France/Amazon Prime Video
Budget : -
Genre : Science-Fiction, Drame.
Nationalité : Canadien, Britannique.
Durée : 1h44min.
Synopsis :
Une histoire d’amour sur fond de nouvelle technologie, avec un laboratoire de recherche scientifique travaillant sur un moyen d’améliorer les relations entre les êtres humains...



Critique :

Sondant l'avenir comme le battement du coeur d'un fétichisme technologique pas si lointain de notre quotidien, @drakedoremus fait de son #Zoe un cousin parfait des bijoux #Her et #TheLobster, une triste fable sur l'amour moderne au commentaire social plus émotionnel que complexe pic.twitter.com/tUliKLRvEr— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) 21 juillet 2018

Il y a quelque chose d'infiniment frustrant dans la manière qu'ont nos distributeurs hexagonaux de gentiment boycotter le cinéma certes peu commercial mais foutrement brillant, de Drake Doremus, qui incarne - et de loin - ce qu'il est arrivé de mieux au genre romantique depuis Richard Linklater et la trilogie des Before.
Esthète du sentiment amoureux qui décortique la notion de couple sous toutes ses coutures, le bonhomme nous revenait en début d'année par la case Netflix avec un bijou aussi douloureux et fascinant que son mésestimé Like Crazy, Newness, romance moderne questionnant avec virulence l'influence des nouvelles technologies sur nos rapports sentimentaux (et notre facilité déconcertante à passer, parfois, d'une relation à une autre), aussi bien d'un point de vue approche/drague (Tinder, ou le sexe peut se commander/consommer en un clic) que dans notre intimité de tous les jours (où il est presque criminel de ne pas avoir Facebook).


Une histoire déchirante de vérité sur deux amants fougueux dont l'amour sincère et les nombreuses maladresses affectives (tromperies, secrets, non-dits), vont amener à devenir les protagonistes d'une relation libre et ouverte atypique; une exploration troublée et troublante de l'amour multiple ou chacun aura au final bien du mal à trouver sa convenance qui va peu à peu les détruire.
Comme pour Like Crazy, Doremus croquait les aléas douloureux d'un couple crédible débordant de vérité, sans se permettre le moindre jugement ni la moindre compassion à leur égard, tant il épousait avec sa caméra leur complexité avec justesse, et s'appuyait uniquement sur la force évocatrice de l'alchimie magique entre deux comédiens totalement impliqués (Nicholas Hoult et Laia Costa sont époustouflants), qui donnent vie avec sincérité à cette chronique romantique bouleversante parce que (trop) réaliste.
Poignant, vivant, vibrant et porté par un happy end enthousiasmant - qui tranche avec le pessimisme assumé de celui qui clôt Like Crazy -, Newness est un bijou aussi précieux qu'il est d'une finesse rare, un formidable moment de cinéma modeste et enivrant dont on ressort intimement ému et troublé.


Six mois plus tard, le voilà de retour avec une nouvelle romance (comment pourrait-il en être autrement ?) d'anticipation férocement ambitieuse, pointant toujours autant du doigt notre rapport à la technologie de pointe que notre quête (impossible ?) de l'amour véritable et de notre " potentiel " âme soeur : Zoe, porté par un couple inédit - Ewan McGregor/Léa Seydoux.
Sondant l'avenir comme le battement du coeur d'un fétichisme technologique pas si lointain de notre quotidien (l'amour est quantifié, codifié, à tel point qu'il est impossible de ne pas le voir totalement perverti par la modernité), le Doremus nouveau, moins imaginatif que Her (voire même plus facile, l'A.I étant bien réel et physique, loin de la simple voix), moins pessimiste que The Lobster et moins déchirant qu'Eternal Sunshine of The Spotless Mind, auxquels il emprunte énormément de thématiques (appuyé par le concept de la création d'un partenaire synthétique fait pour ne jamais vous quitter ni vous décevoir, mais qui cette fois n'a pas conscienve d'être synthétique) soulève plusieurs questionnements qui pourraient arriver dans nos existences plus vite que prévu : les machines fabriquées pour imiter " le sentiment amoureux ", peuvent-elles réellement le ressentir ? 


Et les humains qu'elles désirent, conscient de leur artificialité, pourraient-ils réellement tomber amoureux d'elles ?
La compatibilité peut-elle être vraiment prédite à l'aide d'un algorithme ?
Pire, pourquoi se contenter d'humains " imparfaits " si c'est pour finir inéluctablement seul, alors que les synthétiques eux, ne nous quitteront jamais ?
Même s'il botte un poil en touche et qu'il semble un brin effrayé par le fond de son idée générale (si l'A.I s'humanise complètement, elle risque lui aussi de perdre de sa supposée perfection et de devenir peu fiable d'un point de vue sentimentale), et qu'il souffre douloureusement de la comparaison avec ses illustres aînés bien plus riche, Doremus creuse encore et toujours sa perception du monde et de la solitude qui le gangrène, et notre volonté presque aveugle de le guérir par tous les moyens possible, avec une subtilité rare (dans la généralité) et un côté désinvolte joliment décomplexé.


Sorte d'épisode étiré de Black Mirror esthétiquement sublime, offrant un commentaire social plus émotionnel que complexe et pertinent même si pas toujours juste, Zoe est une nouvelle et triste fable sur l'amour moderne, bien interprété (Ewan McGregor est parfait en héros hanté par la solitude, et le naturel séduisant de l'alchimie de sa relation avec Léa Seydoux, est l'un des grands plus du film) mais clairement en deçà des hits d'un Drake Doremus plus inspirant qu'inspiré.
Jonathan Chevrier