Woman at War c'est le dernier film de Benedikt Erlingsson, à qui l'on doit également Des Chevaux et des Hommes. Remarqué lors du dernier Festival de Cannes dans le cadre de La Semaine de la Critique, ce conte philosophique sur la nature et la désobéissance civile y a reçu le Prix SACD. Il est en salles depuis le début du mois de Juillet. Le spectateur est transporté en Islande où Halla, quinquagénaire indépendante, mène une double vie. Professeur de chant dans une chorale de Reykjavik, c'est dans la plus grande clandestinité qu'elle se transforme en activiste pour mener des missions de sabotage contre l'usine d'aluminium locale, une industrie qui défigure son île. Du vandalisme au sabotage industriel, Halla ne recule devant rien. Jusqu'au jour où elle obtient une réponse à sa demande d'adoption, effectuée des années auparavant. Qu'adviendra-t-il du combat d'Halla alors que la perspective de devenir mère approche ? Le résultat transcende les genres : entre film d'action, comédie sociale et fable poétique, le cœur des spectateurs balance. Avec Woman at War Benedikt Erlingsson continue d'aborder les thématiques qui lui sont chères tout en se jouant des conventions avec beaucoup d'humour. Ainsi Halla nous apparaît pour la première fois vêtue de son lopapeys (le pull traditionnel islandais) et de son arc telle une Lara Croft mûre et folklorique. Mention spéciale à Halldòra Geirhardsdòttir qui incarne à merveille ce personnage de femme forte, entière et révoltée, capable de se lancer dans une désobéissance de grande envergure tout en préparant l'arrivée d'une orpheline dans sa vie. A l'écran, elle est accompagnée d'un ensemble de free jazz qui joue pour souligner l'action mais également interagisse avec son personnage. Un dispositif intrigant qui nous renvoie pourtant aux origines de la narration avec la tragédie grecque où le chœur antique est très présent. A propos de ce choix, le réalisateur explique qu'il permet au spectateur de se distancier de l'action : " On pourrait dire qu'à chaque fois qu'un musicien joue à l'écran, c'est le réalisateur qui met des guillemets à la séquence [...]. " La musique ne ponctue pas simplement l'action, elle est accueillie à l'image, mise en scène et permet de briser le quatrième mur. S'il y a un sentiment qui ressort nettement de ce conte moderne c'est ce désir irradiant d'émancipation. Brûlot écologique et politique, Woman at War nous donne à voir une vraie héroïne, qui pourrait être n'importe laquelle de nos relations, dans un vrai monde, le nôtre. Avec pour seuls pouvoirs sa détermination et son ingéniosité et en guise de costume son pull traditionnel, Halla est capable de déplacer des usines pour laisser respirer les montagnes.