Un grand merci à Rimini Editions pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Baïonnette au canon » de Samuel Fuller.
« Il faut plus que de la cervelle pour être général. Il faut des tripes pour commander »
Sur le front coréen, en 1951. Les troupes américaines sont en partie contraintes de se retirer sous la pression des forces communistes. Le général Allen doit battre en retraite avec 15 000 hommes. Une escouade de 48 hommes emmenée par le lieutenant Gibbs est envoyée pour masquer la réalité de ce repli. Les hommes doivent tenir bon face à l'ennemi et dans le froid. Le caporal Denno redoute de voir ses supérieurs mourir et devoir prendre en charge le commandement de l'unité dont il fait partie.
« T’inquiète pas, on est trois gradés au-dessus de toi, tu n’auras pas à prendre le commandement »
Homme de lettres et de terrain, Samuel Fuller fait ses armes au cours des années 20 comme chroniqueur des affaires criminels pour la presse de New-York. Mais blasé de couvrir les histoires de meurtres toutes plus sordides les unes que les autres, il part au milieu des années 30 tenter sa chance à Hollywood, où il finit par se faire un non comme scénariste autant que comme romancier. Toutefois sa carrière naissante est interrompue par l’arrivée de la Seconde guerre mondiale pour laquelle il est mobilisé. Incorporé à la « Big red one », il prendra part a toutes les grandes batailles européennes, de l'Afrique du nord en Italie jusqu'au débarquement de Normandie. Une expérience humaine aussi formatrice que traumatisante qui le marquera durablement et qui influencera une grande partie de son œuvre à venir. De retour à Hollywood, il retrouve ainsi ses activités d'écriture avant de se voir proposer de passer derrière la camera. En dépit de petits budgets, ses premiers films rencontrent un succès inattendu. S'il se fait un nom dans le registre du film noir (« Le port de la drogue », « La maison de bambou », « Les bas-fonds new-yorkais »), son nom restera également étroitement lié aux films de guerre, genre dans lequel il excellera, avec des films comme « J'ai vécu l'enfer de Corée », « Les maraudeurs attaquent » ou l’emblématique « Au-delà de la gloire ».
« Dis-toi une chose : tu ne tires pas sur un homme mais sur un ennemi. Quand tu as digéré ça tu as ton baptême de tireur »
Repéré grâce au succès de ses premiers films et notamment de son film de guerre « J’ai vécu l’enfer de Corée » (1951), Samuel Fuller est engagé par la Fox qui lui commande un film de guerre pour alimenter la propagande en soutien des forces américaines, qui livrent alors une guerre sanglante contre l’expansion communiste en Corée. Ce qui donnera lieu à « Baïonnette au canon », petite série B ultra maitrisée tournée rapidement en studio pour un budget dérisoire, dans laquelle un détachement américain doit contenir les assauts des coréens pour permettre l’évacuation du reste de la division. Une mission sacrificielle au bénéfice de l’intérêt général. Sauf que comme toujours chez Fuller, l’apologie de la bravoure ne s’accompagne jamais d’un quelconque sentiment de triomphalisme ou de patriotisme débordant. Au contraire, par delà la mission de ces hommes, ce film est pour lui l’occasion d’une réflexion sur la guerre (qu’il poursuivra dans ses films ultérieurs et notamment dans « Au-delà de la gloire ») qui pousse l’homme - en tant qu’individu - dans ses plus sombres retranchements. Les conditions extrêmes (le froid, la peur, la confrontation avec la mort) qu’il doit subir le poussant à extérioriser ses pulsions les plus primitives. Pour autant, fort de son expérience et de sa sensibilité humaniste, le cinéaste pose la question fondamentale de la légitimité pour un homme de tuer un de ses semblables. De même qu’il se questionne sur la responsabilité individuelle comme collective, chaque décision en temps de guerre pouvant causer sa propre mort ou celle de ses camarades. Lui-même vétéran du précédent conflit, Samuel Fuller livre avec « Baïonnette au canon » un film de guerre mélancolique et tout en nuances (à l’image de la formidable interprétation de Richard Basehart), doublé d’une fable humaniste pleine de sagesse qui nous rappelle combien la guerre est avant tout une absurdité.
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Le DVD : Le film est présenté dans une version restaurée en Haute-Définition, en version originale américaine (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.
Côté bonus, le film est accompagné d’une interview de Frank Lafond, auteur du livre « Samuel Fuller, jusqu’à l’épuisement ».
Edité par Rimini Editions, « Baïonnette au canon » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 17 juillet 2018.
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