Derrière le miroir

Par Platinoch @Platinoch

Un grand merci à ESC Editions pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Derrière le miroir » de Nicholas Ray.

« Quand un professeur tombe malade, il se doit de le faire pendant les jours de classe et non pendant ses jours de vacances ! »

A la suite de plusieurs malaises, Ed Avery entre à l’hôpital pour y subir plusieurs examens. Les médecins diagnostiquent une maladie mortelle, et proposent à Ed un nouveau médicament, la cortisone. Si les premiers résultats sont bénéfiques, peu à peu des effets secondaires semblent affecter son comportement. Ed, repoussant toutes ses limites, se met à terroriser sa femme et son fils, et sombre lentement dans la folie.

« Docteur, un homme aussi fauché que moi ne peut se permettre d’avoir d’autres symptômes ! »

En dépit d’une carrière et d’une filmographie très resserrée, Nicholas Ray restera certainement comme l’un des cinéastes hollywoodiens majeurs des années 50 et, dans une moindre mesure, 60. A son crédit, beaucoup de films de genre (des films noirs comme « Les amants de la nuit » ou « Traquenard », des westerns comme « Johnny Guitare » ou « A l’ombre des potences ») et quelques grosses productions d’aventure comme « Les 55 jours de Pékin » ou « Le roi des rois ». Mais le cinéma de Ray restera surtout celui des personnages de rebelles et de révoltés, cultivant une grande violence intérieure à l’encontre de la société. A l’image du jeune délinquant des « Ruelles du malheur », de l’adolescent tourmenté de « La fureur de vivre » ou du scénariste cynique du « Violent ». Avec « Derrière le miroir », inspiré d’un fait divers réel relaté en 1955 par le journal The New Yorker, le cinéaste s’intéresse aux troubles de la personnalité, thème alors assez en vogue à Hollywood (« Les trois visages d’Eve », « Psychose »...). Des troubles causés ici par un traitement thérapeutique encore expérimental et mal maitrisé.

« Sans ce traitement, je serais mort avant la fin de l’année »

Le spectateur assistera ainsi, impuissant, à la transformation du héros qui glissera progressivement du bon père de famille sans histoire vers l’hyperactivité avant de basculer dans la folie et la paranoïa la plus pure, mettant en danger sa vie et celle de sa famille. Ray signe là un film inquiétant à l’ambiance terriblement oppressante et à la mise en scène en tout point maitrisée (formidable jeux d’ombres pour exprimer visuellement la folie du héros) qui renforce parfaitement la sensation de malaise. En filigrane, le film dresse un portrait au vitriol de la middle class américaine (toujours dans l’apparence du bonheur matériel alors que le héros est obligé de cumuler deux emplois, jusqu’à l’usure physique, pour joindre les deux bouts) et de l’American way of life (dans une formidable diatribe du héros ayant perdu la raison qui critique à tout va la famille et la religion). Acteur de performance, James Mason - qui est ici également producteur et coscénariste - trouve dans ce personnage de père autodestructeur un rôle à sa démesure, parfaitement entouré qui plus est par Barbara Rush et le toujours génial Walter Matthau. Un bon film, même si le traitement du sujet parait aujourd’hui franchement daté.

**

Le DVD : Le film est présenté en version restaurée dans un Master Haute-Définition, en version originale américaine (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné de « Critique d'une Amérique sous traitements » (20 min.), présentation et analyse du film par Mathieu Macheret, journaliste cinéma au journal Le Monde.
Edité par ESC Editions, « Derrière le miroir » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 26 juin 2018.
Le site Internet de ESC Editions est ici. Sa page Facebook est ici.