Dès les premières minutes, on sent qu’on ne va pas franchement s’enthousiasmer. Rythme lent, personnages apathiques, musique-corne de brume pour donner une ambiance à la fois étrange et déprimante, images empilées sans ordre précis… Mais on est assez intrigués pour s’accrocher un peu.
On finit de comprendre que l’intrigue se déroule dans les années 1950, aux Etats-Unis, et que le personnage principal, Andy (Tye Sheridan, en mode neurasthénique), est un adolescent quasiment orphelin suite à la mort de son père (Udo Kier, en entraîneur de patinage artistique. On aura tout vu…) et l’internement de sa mère dans un hôpital psychiatrique. L’un des anciens médecins de sa mère (Jeff Goldblum, en roue libre) décide de le prendre sous son aile et de l’engager comme assistant lors d’une tournée de promotion d’une nouvelle “méthode thérapeutique”.
En effet, le bon docteur fait l’article de la lobotomie frontale comme alternative aux électrochocs. Une méthode radicale, qui a le mérite de calmer définitivement le patient, mais qui peut vite déraper, car l’opération se joue à quelques millimètres près… Andy comprend “vite” (c’est relatif, hein, le gamin n’a pas la 4G…) que Maman s’est faite réinitialiser le compteur électrique à coup de burin par son nouveau mentor et on se dit alors que l’on va assister à l’un de ces drames psychologiques classiques produits à la pelle par le cinéma indie américain, en plus lent et plus ennuyeux.
Raté… Car Rick Alverson est un auteur, un vrai. Un original. Dans le dernier tiers du film, à la faveur de la rencontre entre le duo et un français excentrique (Denis Lavant) qui veut faire lobotomiser sa fille, Andy découvre l’amour, perd sa virginité et perd… la tête. Pour qu’il se sente moins seul, ses camarades de jeu l’accompagnent dans sa folie. Notamment Denis Lavant, qui se lance dans un numéro de cabotinage hallucinant, assénant en franglais des pensées sur l’art, la vie, la mort et les vertus de l’hermaphrodisme (sic), ainsi qu’une allégorie de la montagne parfaitement absconse… Fuite de cerveau ou fou rire nerveux assuré!
Tous les personnages passent, au choix, en mode lobotomisé ou frappadingue et le film continue ainsi à osciller entre philosophie de bazar, images en vrac, road-movie neurasthénique et ballet improvisé de Denis Lavant, qui aurait besoin d’un petit coup de burin, lui aussi.
Un trip mené à la vitesse d’un escargot au galop, jusqu’à l’arrivée d’Andy et sa fiancé écervelée à la fameuse montagne, qui les libère spirituellement et libère aussi le spectateur de 106 minutes de souffrance absolue.
En sortant de la salle on se pose tout de suite deux questions philosophiques essentielles :
1) Pourquoi?
Pourquoi raconter cette histoire sans queue (ou si peu) ni tête? Pourquoi infliger ce trip chiant comme la mort et prétentieux en diable à d’innocents festivaliers cinéphiles?
2) Comment?
Comment un producteur a-t-il accepté de financer un truc aussi bancal? Comment un sélectionneur a-t-il eu l’idée de diffuser un nanar pareil en compétition dans festival international?
On ajoutera un 3) Pour qui?
Car, sauf à viser un public aussi lobotomisé que les personnages, pas sûr que ce “vol au-dessus d’un nid de caca” réussisse à séduire quelque spectateur que ce soit.
Bon, vous l’aurez compris, The Mountain est tout sauf un “sommet” de cinéma. Juste une arme de destruction massive qui incite ses victimes à s’exploser le cerveau au poinçon (ou au Spritz, chacun sa méthode…)
Images : copyright Lorenzo Hagerman, fournies par la Biennale de Venise