Avec la sortie de son premier film franco-américain, Les Frères Sisters, il fallait bien revenir sur le plus grand succès critique et public de Jacques Audiard. Un Prophète a clairement marqué le cinéma français par sa dimension sociale et son côté mystique et carcéral. Toujours un choc près de 10 ans plus tard.
Si il n’a donc plus rien à prouver, il y a donc tout de même une forte attente autour de ce nouveau film qui plonge dans le milieu carcéral. Avec un très lourd travail de recherche que l’on ressent à la vision du film, Audiard s’intéresse toutefois toujours avant tout à ces personnages.
Pendant 2h30, nous allons donc suivre le parcours de Malik. Petite frappe qui débarque en prison et qui doit se faire à la dure vie entre les barreaux. Entre les différents gangs, il est forcé de se rapprocher des mafieux corses qui lui ordonnent un assassinat. Petit à petit, il va apprendre et se faire sa place tout en effectuant des mission délicates lors de ses sorties.
Encore une fois, Jacques Audiard plonge dans un univers violent et la prison est idéale pour se consacrer à ce sujet et voir comment cette violence fait évoluer ce personnage. Sans jamais héroïser Malik, il le transforme en figure mythologique de roman qui va devoir passer par les pires épreuves avant de trouver sa libération. La prison est alors un lieu d’apprentissage redoutable et le mentor corse un guide qui ne l’est pas moins.
Le réalisateur mêle ainsi le récit d’apprentissage et le thriller avec le film social et une réalisation presque documentaire qui non plonge vraiment dans la cellule de Malik, aussi dépouillée que son esprit. Mais l’intrigue autour des manigances des corses et des actions violentes qui sont menées, bien que passionnant, n’est jamais placée au dessus des personnages fascinants qui sont décrits et c’est bien toute la force d’Audiard, aussi bon scénariste que réalisateur, qui a compris que la clé du succès est un bon personnage.
D’ailleurs, il offre le rôle de Malik a un jeune débutant, Tahar Rahim, qui fait des étincelles. Le jeune comédien s’approprie ce personnage et montre bien son évolution tout au long du film, passant d’une presque innoncence à une froideur totale sans sourciller. Il est de toute façon très bien guidé par le vétéran Niels Arestrup qui vit ici une véritable renaissance. Sans oublier l’excellent Reda Kateb dans son premier rôle en acolyte de Malik.
Présenté au Festival de Cannes, le film reçoit le Grand Prix du Jury et ce n’est que le début d’une longue carrière. Il récolte les prix à travers les différents festivals et rassemble plus d’un million de spectateurs dans les salles françaises, sans avoir tête d’affiche. Puis c’est le triomphe aux César avec 9 récompenses pour 13 nominations, un record qui assoit encore plus la position de Jacques Audiard et impose Tahar Rahim comme la révélation française à suivre. Avec Un Prophète, le réalisateur peut donc faire ce qu’il veut.