What you gonna do when the world’s on fire? a été tourné à l’été 2017, alors qu’une vague de crimes racistes a endeuillé la communauté et provoqué la colère des habitants. A travers les différents témoignages recueillis par le cinéaste italien, on comprend que ce racisme et cette violence ne constituent pas, hélas, quelque chose d’exceptionnel. Historiquement, le Tremé était le ghetto où étaient logés les esclaves venus d’Afrique. L’esclavage a été aboli, le Sud a perdu la Guerre de Sécession, les mouvements pour les droits civiques des années 1960 ont permis de donner aux citoyens Noirs les mêmes droits qu’aux citoyens Blancs, mais dans le fond, rien n’a changé. Il y a toujours de la haine, du racisme, des violences xénophobes. Et les policiers ne sont pas les derniers à exacerber les tensions…
Par ailleurs, il y a toujours une forme de ségrégation entre les communautés. On trouve des quartiers Noirs, pauvres et gangrénés par la délinquance, et des quartiers Blancs, plus aisés. Les habitants ont fini par s’y faire. Ainsi regroupés, ils peuvent plus facilement se retrouver pour échanger autour de leurs conditions de vie, s’organiser pour lutter collectivement contre les injustices, pour essayer de faire changer les choses. Mais l’évolution de la société, sous l’impulsion de la politique de Donald Trump, ne va pas dans le bon sens. Après l’ouragan Katrina, où beaucoup d’habitants les plus défavorisés ont tout perdu, la Nouvelle-Orléans s’est reconstruite et des quartiers pauvres se sont embourgeoisés, poussant encore plus vers la marge les habitants les plus pauvres.
Roberto Minervini donne la parole à des personnes qui en sont généralement privées, et dont les combats ne sont plus vraiment relayés par les média. Les personnes qu’il suit sont des citoyens ordinaires, qui cherchent leur place dans un pays qui se refuse toujours à les accepter, des années après la libération des esclaves. Judy est une femme courageuse, libre et indépendante, qui agit pour le bien de la communauté. Comme le chef des Indiens de Mari-Gras, elle participe beaucoup à la transmission de la culture de sa région. Les parents de Ronaldo et Titus font tout pour les préserver des dangers de la rue, les éduquer, en faire des individus respectables. Tous veulent juste mener une vie tranquille, comme les autres citoyens du pays, Blancs ou Noirs.
Le cinéaste permet au spectateur de s’attacher à eux et de comprendre leur colère. Il alerte ainsi l’opinion sur les dérives d’une politique sociale qui continue de creuser les inégalités, de générer de la misère, de la désespérance, des tensions communautaires et dénonce ce racisme endémique qui continue de gangréner l’Amérique.
Même si What you gonna do when the world’s on fire?, à l’instar de son titre, n’est pas exempt de certaines longueurs et de discours redondants, il s’avère un documentaire fort, émouvant et esthétiquement sublime, plus soigné, en tout cas, que certaines fictions présentées lors de cette 75ème Mostra. La retrouver au palmarès n’aurait rien de honteux…
Images : ©Okta film – fournies par la Biennale de Venise