Effectivement, à peine arrivée au ranch, Mia doit déjà repartir, pour accompagner son père au tribunal, afin de répondre aux questions d’un procureur au sujet des conditions d’acquisition de la propriété en question, plusieurs années auparavant. Pour le vieil homme, le stress est trop important. Victime d’un malaise cardiaque, il est emmené à l’hôpital dans un état préoccupant.
Face à la gravité de la situation, Eugenia (Bérénice Béjo), la soeur aînée de Mia, décide de revenir elle aussi passer quelques jours dans la propriété familiale. Les deux soeurs retrouvent immédiatement leur complicité de toujours, et l’annonce de la grossesse d’Eugenia apporte un peu de joie dans le foyer. Mais là encore, l’orage menace derrière cette apparente sérénité.
Les retrouvailles familiales font rejaillir de vieilles rancoeurs, des tensions, notamment entre Mia et sa mère. Au fil des minutes, on découvre les différents secrets et mensonges qui parasitent depuis longtemps les relations des unes et des autres et la mort du père pourrait bien faire éclater définitivement l’unité de la cellule familiale.
Pablo Trapero revient avec un pur mélodrame, au scénario bien chargé en termes de relations complexes, de secrets honteux et de passions tumultueuses, d’autant qu’aux purs problèmes familiaux classiques (fille préférée de Maman versus fille préférée de Papa, avec ce que cela implique en jalousie larvée), il ajoute un drôle de triangle amoureux (pour ne pas dire un carré), et, last but not least, évoque en filigrane l’époque de la dictature argentine. Avec un tel sujet, d’autres cinéastes s’emmêleraient les pinceaux dans les effets dramatiques, le pathos et les rebondissements improbables du scénario, et se vautreraient in fine dans le ridicule. Le cinéaste argentin, lui, s’en sort avec un numéro d’équilibriste assez audacieux, en jouant sur la direction d’acteurs – excellente idée que d’associer Martina Gusman, Bérénice Béjo et Graciela Borges – et sur une mise en scène fluide et élégante, avec plans-séquences, cadres très travaillé, jeux de lumière… Pas sûr que cela suffise pour faire totalement oublier la lourdeur du scénario, mais les cinéphiles amateurs de travail bien fait devrait au moins apprécier ce brio technique.
Que l’on adhère ou pas à ce nouveau long-métrage, il convient de reconnaître que le cinéaste a le mérite d’essayer à chaque fois de nouvelles formes de récit, s’attaquant à des genres différents, des récits différents. Le problème, c’est que depuis quelques films, il semble peiner à retrouver l’efficacité de ses premiers scénarios, la simplicité de Mundo gruo, la sobriété de La Leonera, la belle mécanique noire de Carancho.
La Quietud n’est pas de ce calibre et c’est probablement ce qui justifie une sélection hors-compétition à la Mostra de Venise. Mais c’est quand même une oeuvre cinématographique tout à fait recommandable, et nettement au-dessus de la moyenne.
Images : copyright Pablo Trapero – fournies par la Biennale de Venise