At Eternity’s gate raconte les trois dernières années de la vie de Vincent Van Gogh, de 1887, juste avant son départ pour Arles, à 1890, peu après son arrivée à Auvers-sur-Oise.
Bonne idée que de vouloir faire la biographie filmée du célèbre peintre hollandais! C’est vrai que cela n’avait jamais été fait avant…
Ah, pardon, on nous dit que si… Mais pas par de grands cinéastes, hein… C’étaient des petits films de rien du tout, signés par des cinéastes obscurs…
Comment? Vincente Minelli (La vie passionnée de Vincent Van Gogh), Robert Altman (Vincent et Théo), Maurice Pialat (Van Gogh). Ah, oui, tout de même… Mais Julian Schnabel propose une approche différente, suggérant que Van Gogh n’était pas instable mentalement, mais juste hypersensible et incompris de ses contemporains, et que, contrairement à la version officielle, il ne s’est pas suicidé mais a été blessé accidentellement. Ah! Cette version-là, c’est de l’inédit!
Pardon? Ca a été fait aussi? Dans La Passion Van Gogh, de Dorota Kobiela et Hugh Welchman, sorti en 2017? Ah, mince alors! Cela veut dire que Julian Schnabel arrive un peu après la bataille, non?
Conscient de ne rien avoir à nous apprendre de neuf sur Van Gogh, Julian Schnabel décide de soigner la forme du film, en proposant de filmer au plus près le bouillonnement créatif de ce génie incompris, caméra à l’épaule. Aïe! Mauvais choix… Les images tremblotantes donnent la nausée et quand la caméra se pose un peu, c’est soit pour filmer des choses inintéressantes – deux minutes sur une paire de souliers usés, juste parce que Van Gogh a eu l’idée de les peindre… – soit pour essayer d’expliquer que l’artiste voit les choses que le commun des mortels est incapable de voir, à grand renfort d’effets de filtres numériques, de flous pseudo-artistiques et d’images saturées. Au secours!
Peut-être nous trompons-nous… Peut-être que Julian Schnabel, tel Van Gogh, est un génie incompris de son vivant, que son talent de metteur en scène ne sera reconnu que dans plusieurs décennies et que At Eternity’s gate sera alors considéré comme une oeuvre essentielle, un chef d’oeuvre du septième art. Mais cela nous étonnerait quand même un peu…
Si encore le film pouvait s’appuyer sur un grand numéro d’acteur, on pourrait au moins lui trouver un semblant d’intérêt, mais, si la performance de Willem Dafoe est honorable, elle manque un peu d’âme. L’acteur semble jouer Van Gogh comme il jouait Pasolini ou Jésus de Nazareth, avec les mêmes mimiques, mêmes gestes, mêmes expressions faciales… A sa décharge, cette caméra constamment en mouvement, instable, chaotique ne lui laisse pas beaucoup d’espace pour s’exprimer. Dommage, car c’est quand la caméra se calme que le film retrouve un peu d’allant – par exemple, les scènes de confrontation avec Gauguin (Oscar Isaac) ou le prêtre de l’hôpital psychiatrique de Saint-Rémy de Provence (Mads Mikkelsen).
En bref, At Eternity’s gate ne présente absolument aucun intérêt, ni pour les admirateurs de Van Gogh, ni pour les cinéphiles, et sa présence en compétition officielle à Venise est pour nous un mystère bien plus grand que celui de la mort du célèbre peintre. Mieux vaut voir ou revoir l’excellent La Passion Van Gogh, qui n’a pas bénéficié de la même exposition médiatique et est sorti en salles en catimini, l’an dernier.