On aurait pu penser que le cinéaste aurait choisi, comme pour certains de ses films précédents (Vol 93, Captain Phillips…), de plonger le spectateur au coeur de l’action. On s’attendait qu’avec sa méthode habituelle, caméra à l’épaule, il filme dans le détail le périple meurtrier d’Anders Breivik, militant d’extrême-droite, qui a planifié et exécuté seul deux attentats successifs, d’abord à Oslo, où il a fait exploser une bombe devant un ministère, occasionnant huit victimes, puis sur l’île d’Utoya, où il a ouvert le feu sur les jeunes militants travaillistes qui y étaient réunis, dans le cadre d’une université d’été, faisant 69 morts et des dizaines de blessés. Mais, peut-être parce que c’est l’angle choisi par le film d’Erik Pope, long plan-séquence décrivant la tuerie en temps réel, Paul Greengrass choisit de passer relativement vite sur les évènements en eux-mêmes. En vingt minutes, tout est bouclé, et le cinéaste peut plutôt se concentrer sur les suites des attentats. Il s’intéresse évidemment au procès du criminel, et à la stratégie de la défense, construite par un avocat ayant des idées radicalement opposées à celles de son client, mais obligé de mettre tout en oeuvre pour le faire libérer. Mais il suit aussi à un survivant du massacre, grièvement blessé physiquement et psychologiquement par les balles du terroriste, et essayant de reprendre une vie normale. Dans l’absolu, ce choix se défend, mais le résultat, à l’écran, manque de subtilité. Le récit tourne au mélodrame facile, qui surfe sur le côté spectaculaire de ce massacre sans vraiment chercher à comprendre les tenants et aboutissants politiques de ces évènements et se vautre souvent dans le pathos.
Mais d’autres parti-pris sont tout aussi gênants, à commencer par le choix de présenter Anders Breivik comme un homme isolé, non-représentatif de la population norvégienne. Certes, le terroriste a fomenté et exécuté ses attaques seul, sans aucune complicité extérieure. Pour autant, ses idées politiques ne sont pas si minoritaires que cela, à en juger la montée des mouvements extrémistes un peu partout en Europe, et plutôt que de les présenter comme minoritaires et inoffensives, il aurait sans doute été plus avisé de les combattre frontalement, afin de montrer le danger que représentent ces courants de pensée nauséabonds.
Comme Paul Greengrass a également fait le choix de montrer Breivik et le laisser exposer ses idées, lors des échanges avec l’avocat, il donne l’impression, bien malgré lui, d’offrir une tribune au criminel. Erik Pope avait, lui, volontairement relégué Breivik dans l’ombre, ne montrant que la silhouette du tueur, symbolique d’un mal profond, endémique. Il avait aussi choisi de ne se concentrer que sur les victimes, jeunes idéalistes appelés à devenir les futures élites politiques norvégiennes, mais fauchées dans la fleur de l’âge.
Filmé selon les codes narratifs hollywoodiens classiques, 22 July souffre clairement de la comparaison avec Utoya, 22 juli, plus “art & essai” et plus “européen” dans sa conception. Ce n’est pas une oeuvre ratée, ni honteuse, mais un film maladroit et moins efficace que les longs-métrages précédents du cinéaste. On attendait autre chose de la part du cinéaste britannique…