Poser sa caméra dans un amphi bondé, filmer le quotidien d'étudiants en médecine, le bachotage bête et discipliné, les fiches de révision à " ingurgiter " jusqu'à plus soif, les TD où l'on rabâche des formules incompréhensibles apprises de tête, les soirées passées à la BU (" bibliothèque universitaire ") à avaler des manuels entiers... de prime abord, Première année aurait de quoi rebuter le plus curieux des cinéphiles.
Pourtant, Thomas Lilti, ancien médecin devenu cinéaste ( Hippocrate, Médecin de campagne), parvient à réaliser un film incisif sur les travers de l'enseignement supérieur français, mettant l'accent sur l'hyper-compétition et l'inégalité des chances.
" Comme pour beaucoup d'autres filières, en plus de la difficulté du concours et de la pression, les étudiants doivent désormais se battre pour entrer dans les amphis. Il y a beaucoup trop d'étudiants, pas assez de salles, pas assez de profs. C'est une vraie " boucherie pédagogique ", dénonce le réalisateur.
Film hybride à mi-chemin de la fiction et du documentaire, Première année retranscrit à l'écran les espoirs, les envies, la solidarité qui existe malgré l'environnement compétitif, le découragement aussi, et cette tension permanente, qui va grandissante à mesure que l'échéance approche, et qui s'avère inéluctable jusqu'aux résultats du concours.
" Je voulais raconter la violence et l'épreuve que sont ces grands concours qui déterminent toute une vie. Cette première année de médecine, complètement folle où on ne vit plus que pour quelques heures dans un centre d'examen, je l'ai vécue. La médecine n'est pas, ici, un prétexte mais plutôt un contexte, une porte d'entrée qui doit permettre aux spectateurs de comprendre très vite le but des personnages. " ajoute Lilti.
Les personnages en question, il y en a surtout deux, qui tiennent le haut de l'affiche : Vincent Lacoste est l'étudiant bien décidé à exercer le métier de ses rêves. Il incarne avec brio la détermination, la pugnacité, mais aussi la peur de ne pas y arriver, le corps qui arrive à saturation, le cerveau qui flanche. A ses côtés, William Lebghil, pour qui la vocation est moins évidente mais qui, en raison de son environnement familial (son père est chirurgien, sa mère professeur), comprend quels sont les codes pour réussir.
A travers le profil de ces deux gamins, leur parcours respectif, leur motivation différente - l'envie de vivre sa vocation pour l'un, la recherche de reconnaissance paternelle pour l'autre -, le cinéaste humanise le débat qui vient faire écho à quiconque s'est retrouvé en situation de concours.
Le spectateur se surprend à retrouver le stress ressenti lors d'un concours ou d'un examen, cette sensation d'égarement dans ces salles immenses et froides aux allures d'entrepôt, le soulagement momentané d'en avoir terminé, l'attente fébrile des résultats, cette impression que les efforts fournis ne dépendent plus que d'une ligne, d'un chiffre, d'un classement. Et voici que le couperet tombe, synonyme de joie ou de désespoir.
C'est tout le talent de Thomas Lilti d'avoir su capter ces moments intimes qu'il rend universels. Voici un film sympathique aux propos pertinents.
Sortie le 12 septembre 2018.Mettre un commentaire