Premier long métrage du réalisateur mexicain Carlos Lopez Estrada, mais aussi et surtout premier long métrage à ce niveau d'implication pour les amis Daveed Diggs et Rafael Casal. Ces deux derniers sont amis d'enfance et ils ont écrit ce scénario d'après leurs souvenirs d'enfance, et surtout parce qu'ils trouvaient que les représentations cinématographiques de la région de la baie de San Francisco et, plus précisément, de la ville de Oakland, passaient "constamment à côté de quelque chose". Ecrit au milieu des années 2000, il a fallu donc bien des années pour que le projet se concrétise. La rencontre à l"université de Daveed Diggs avec le cinéaste de video-clip Carlos Lopez Estrada a changé la donne. Les deux amis sont donc co-scénaristes et co-producteurs de leur film laissant la mise en scène à Estrada. Le plus connu des trois reste Daveed Diggs acteur rappeur, grâce à la série TV "Hamilton" (2015-2016) pour lequel il a obtenu un Grammy Award et un Tony Award, il a aussi prêté sa voix pour les films d'animation (2016) et (2017). A leurs côtés on remarquera la beauté de Janina Gavankar vue dans plusieurs séries TV dont "The L World" (2007-2009)...
Les deux acteurs-scénaristes ont voulu appuyer sur le mélange des communautés ainsi que la gentrification (phénomène urbain où des personnes de niveau social aisé s'approprient petit à petit un ghetto ou cité transformant ainsi le profil économico-social de la zone), mais aussi des violences policières... Le film débute alors que Collin, après une peine de prison, est à 3 jours de la fin de sa période de conditionnelle. Il est témoin d'une bavure policière et tente de vivre avec alors qu'il doit gérer son meilleur ami. Le premier bémol reste la "bavure" policière, jamais on a assez d'info pour savoir réellement ce qu'il en est (la légitime défense peut être puisque la victime avait peut-être une arme), trop de zones d'ombre. Le scénario est pourtant drôlement bien troussé. Le thème du repris de justice pris au piège après avoir été témoin à l'insu de son plein gré d'une bavure est récurrent au cinéma, mais cette fois les deux scénaristes ne tombent pas dans l'écueil du combat facile du pot de fer (police et son linge sale) et du pot de terre (le repris de justice qui veut s'en sortir). En effet, la ligne directrice repose sur le personnage de Collin qui veut s'en sortir malgré cette bavure qui le hante et malgré cet ami tête brûlée qui reste un danger perpétuel.
Collin se retrouve donc dans une période de 3 jours particulièrement difficile psychologiquement parlant ce qui ouvre à quelques séquences oniriques fortes. Malgré la dramaturgie omniprésente le film réussi à instaurer un humour savamment dosé, des séquences rap, d'instants de simple bonheur... Bref un condensé coloré, musical et à la fois tragique d'une chronique à Oakland. En arrière-plan on nous montre une autre facette, celle des cités défavorisées qui sont subrepticement infiltrées par les bobos hipster et autres à la mode vegan et autres modes importées des quartiers aisés. Estrada signe une mise en scène créative, entre cauchemar et réalité il mélange les genres sans pathos ni misérabilisme. Un film qui a eu les honneurs du Festival de Sundance et qui a obtenu le Prix de la Critique au Festival de Deauville. Un film riche et dense, intelligent et maitrisé pendant lequel on sourit, on rit un peu alors que les protagonistes alternent déboires et risques stupides. Un excellent film, une bonne surprise à voir et à conseiller.
Note :