VENOM : Sinister Zero ★☆☆☆☆

Aussi inoffensif que bête, la nouvelle tentative de Sony pour réexploiter l’univers de Spider-Man est un calvaire douloureux.

« Comme un étron dans le vent ». C’est sur cette phrase pleine de poésie et de bon sens que Venom touche à sa fin, conclusion parfaite pour décrire les deux heures de souffrance que procure ce nouveau blockbuster labellisé Sony. Désormais en accord avec Disney pour partager les droits de Spider-Man, le studio n’allait tout de même pas se priver de rebondir sur ce nouvel essor de l’Homme-Araignée, et a donc décidé de mettre en scène l’origin story de son plus grand ennemi. Mais le premier problème – et à vrai dire le principal, c’est que Venom a été conçu sur une vision à long terme floue. Début d’une nouvelle saga indépendante ? Possibilité de relier le film à la diégèse du MCU ? Rien n’est moins sûr, et cette hésitation engendre un échec similaire aux Amazing Spider-Man de triste mémoire : le long-métrage envisage tellement ses futurs potentiels qu’il en oublie son présent, son existence sur l’écran au moment où on le regarde. Il s’agit sans nul doute du plus grand fléau du blockbuster contemporain, parvenant à persuader le public qu’il n’a pas à faire ses preuves, et que le promesse d’un avenir meilleur suffit à le légitimer.

VENOM : Sinister Zero ★☆☆☆☆

L’idée est d’autant plus ironique que derrière le vide affiché par Venom comme de la rétention calculée, il y a un projet diablement arriéré, déjà comparé par de nombreuses critiques américaines à d’autres excréments fumants du style de Catwoman. Sans atteindre cette nullité cosmique, le film semble avoir traversé une boucle temporelle depuis le même début de siècle que le navet de Pitof. En pensant devoir toucher un public de non-convertis, Sony fait tout simplement fi de la prédominance des adaptations de comics sur ces dix dernières années, quand bien même le studio a en partie contribué à son succès à travers sa confiance accordée à Sam Raimi. Outre les origines laborieuses du personnage, l’ensemble rationalise constamment sa diégèse à coups d’humour foireux, transformant l’aspect fantasque d’un tel univers en une vaste blague. La ménagère à l’esprit étroit semble ainsi plus visée que le geek à la recherche d’une mise en lumière de son méchant préféré. Ce mépris flagrant envers son public est la faute la plus insultante du métrage. A force de reshoots, remontages et reclassification qui privent le film de toute cohérence créative et de substance, il en devient un ratage surprenant, qui ne s’adresse à personne alors qu’il aurait pu espérer fédérer grâce à un regard nouveau sur le genre, nécessaire avec une figure aussi complexe.

Malheureusement, Sony a privilégié une version pour neuneus, déroulant ses séquences toutes plus mécaniques les unes que les autres avec tristesse et ringardise. Certes, avec Ruben Fleischer derrière la caméra (Bienvenue à Zombieland, Gangster Squad), on ne s’attendait pas à un chef-d’œuvre nourri par un point de vue fort, mais on était en droit d’envisager un ride cool et assez méchant. Au final, l’absence d’une mise en scène ostensible n’a fait que faciliter pour les producteurs le redécoupage des événements, trébuchant sur un rythme bâtard et des ruptures de ton mal équilibrées. Le tout se traîne alors malgré le peu qu’il a à raconter, et ne parvient même pas à sauver les trop rares moments de bravoure qu’il voudrait nous offrir (la palme revenant à un climax sans enjeux, porté par un énième combat final illisible, où deux créatures sombres en CGI se battent dans la nuit en shaky cam). Terne (au sens propre comme figuré), Venom est donc bien un potentiel gâché, qui réussit même l’exploit de ruiner son principal atout, à savoir Tom Hardy, ici lâché dans un concours de cabotinage qui flirte souvent avec le grotesque. Difficile alors de percevoir autre chose dans un tel foutoir qu’une nouvelle preuve de l’essoufflement du genre super-héroïque.

Réalisé par Ruben Fleischer, avec Tom Hardy, Riz Ahmed, Michelle Williams

Sortie le 10 octobre 2018.