Damien Chazelle et Ryan Gosling partent à la conquête de l’espace dans First Man. Mais ce qui nous attend, c’est surtout une odyssée sombre et intime qui peut nous hanter un moment après sa sortie.
Après le triomphe de La La Land, Damien Chazelle peut s’autoriser n’importe quel projet. Et après 2 films profondément liés à la musique, il s’attaque à un nouveau défi, celui du film de conquête spatiale. Et tant qu’à faire, autant adapter First Man, la biographie du légendaire Neil Armstrong dont la destinée avait jusque là échappé à Hollywood.
Pour l’occasion il s’entour de son équipe habituelle mais aussi de Ryan Gosling qui endosse la combinaison de l’astronaute discret pour près de 10 ans de sa vie, de son entrée dans le programme Gemini jusqu’à la mission Apollo 11 qui fera de lui le premier homme à marcher sur la Lune. Une odyssée qui peut sembler déjà vue avec les entrainements, les pépins techniques et l’acte héroïque final, mais qui, entre les mains de Chazelle devient bien plus.
Quand on pense à la conquête spatiale et à aller sur la Lune dans le cinéma américain, on pense forcément à l’Etoffe des Héros ou Apollo 13. Mais Damien Chazelle ne va absolument pas aborder cet aspect héroïque et patriotique… et si il y touche, c’est toujours pour mieux le détourner.
Il faut dire que dès le début, le ton est donné. Le réalisateur se cale au plus près de son personnage pour capter son regard perdu et mélancolique même en plein exploit, pour ne plus en décrocher. Il ne va pas chercher d’ampleur ou un côté épique mais au contraire à raconter le parcours d’un homme qui n’arrive pas à faire le deuil de sa fille et qui ira jusque sur la Lune pour pouvoir le faire. Un portrait intimiste rempli de failles, de doutes et surtout de non-dits (l’absence auprès de ses fils est en ce sens frappante).
First Man, voyage vers la mort
Cet aspect intime et endeuillé va donc parcourir tout le film, montrant les entrainements et étapes vers la lune toujours plus dangereuses. Le héros est ici en permanence entouré par le vide et la mort, celui de l’espace, de ses collègues qui périssent pour faire avancer le programme. Cela donne alors à chaque étape clé encore plus de frissons et de puissance alors même que l’on sait ce qu’il va se passer à la fin.
Comme d’habitude avec Chazelle, c’est donc plus le sacrifice de l’homme et le fait de se perdre dans le travail au point d’ignorer ses proches (Claire Foy, impeccable en épouse délaissée mais qui fait preuve de caractère) qui va l’intéresser, plus que les actes héroïques. Et c’est ce qui donne sa personnalité au film. Mais c’est aussi la première fois où on le voit plus politiquement engagé, n’hésitant pas à mettre en lumière les sacrifices américains du programme de la Nasa et ce que cela coûte aux américains qui, contrairement au gouvernement, ont d’autres soucis à régler.
Malgré son aspect intime, le réalisateur n’oublie pas tout de même certains passages obligés, et se montre alors techniquement très efficace pour les mettre en boite à sa manière. L’alunissage est ainsi un morceau de bravoure vraiment marquant porté par la musique originale de Justin Hurwitz. Mais ce n’est rien face à la puissance des émotions et du dernier face-à-face mélancolique qui va encore nous hanter longtemps.