Dans Assassination Nation (2018) écrit et réalisé par Sam Levinson, il est question de la ville de Salem, prise dans une folie meurtrière suite au hackage de données de la moitié de la population. Quatre amies vont devoir affronter les habitant-es…
Assassination Nation est le deuxième film de Sam Levinson, fils de Barry Levinson, réalisateur entre autres de Sleepers. Je l’ai vu lors de sa présentation aux Utopiales, festival international de Science Fiction à Nantes.
Juste avant la projection, le programmateur annonce qu’Assassination Nation a été projeté pour la première fois au festival de Sundance en février 2018. Par la suite, le film a été bloqué, il a été impossible pour les programmateurs de l’obtenir. Pourtant, il est produit en parti par Universal. A priori, l’explication serait qu’Assassination Nation est un tel réquisitoire contre ce qui se passe aux USA actuellement, qu’Universal a été gêné de diffuser le film par la suite. Il arrive finalement en France aux Utopiales (où il a gagné le prix du jury). Autant vous dire ma curiosité a décuplé.
Assassination Nation s’avère être pamphlet féministe, rageur, vengeur, jouissif. Dans mes souvenirs, je ne crois pas avoir vu un film de genre aussi assumé dans son propos. Donc autant vous dire que si vous êtes allergique ou fatigué-e des mouvements #metoo ou #balancetonporc, que les termes utilisés dans le milieu militant vous agacent, vous n’allez pas vivre un bon moment.
Sans s’excuser de rien, Levinson appuie et même enfonce là où ça fait mal: le puritanisme, la chasse aux sorcières (ce n’est pas pour rien que l’action se situe à Salem), le sexisme, la perception du corps, la culture du viol, les pauvres mâles blessés dans leur égo…
A l’ère des réseaux sociaux où tout est frénétique (la communication, les relations sociales, les fêtes…), on est entraîné dans un tourbillon où l’on sait que le bain de sang n’est pas loin.
Les quatre actrices principales (Odessa Young, Suki Waterhouse, Hari Nef et Abra), forment un gang qui se complètent parfaitement, dirigées avec brio et bénéficiant de dialogues pertinents.
Niveau mise en scène, Levison utilise des split screens (l’écran est séparé en deux ou trois pour montrer des actions différentes au même moment), afin de renforcer l’idée d’affluence d’informations et d’images, tout en nous permettant d’être en lien avec les quatre amies. On notera un très beau plan séquence amorçant le début de la nuit de l’horreur (qui m’a fait penser au superbe plan séquence de Mélanie Laurent dans Respire).
On n’est d’ailleurs pas déçu-e du résultat du climax, saignant à souhait.
Là où Assassination Nation m’a impressionnée, c’est dans sa capacité à avoir compris les enjeux actuels des revendications féministes et en faisant clairement des liens avec des références historiques qui pourraient paraître improbables. Je pense aux Suffragettes, qui autour de 1900 en Angleterre, s’alliaient pour obtenir le droit de vote, même si certaines y laissaient leurs enfants, leur vie. Ici la conclusion est similaire. Mais que dans les deux cas, il sera impossible de faire taire toutes les femmes.
On regrettera simplement la grosse référence à American Nightmare, tant dans la mise en scène, que dans l’idée du basculement vers une folie meurtrière sans limite, qui n’était pas forcément utile.
Assassination Nation sort le 5 décembre, courez y si vous avez la chance qu’il passe par chez vous.