Les bonnes recettes font toujours bon ménage avec l'appétit pour le tiroir-caisse avec cette fois un melting-pot sequel-reboot à partir des romans "Millenium" (2005-2007) de Stieg Larsson (mort en 2004, il n'aura donc connu le succès qu'à titre posthume !), succès mondial en librairie qui s'est répercuté de façon aussi remarquable en salles avec sa trilogie suédoise (2009-2010) de Niels Arden Oplev pour le premier et Daniel Alfredson pour les deux suivants. Un succès tel que Hollywood signera un remake de prestige avec "Millenium - les Hommes qi n'aimaient pas les Femmes" (2011) de David Fincher... Littérature et cinéma se rejoignent souvent, la preuve en est donc avec une suite littéraire aux romans originels avec le roman "Ce qui ne me tue pas" (2015) de David Lagercrantz avec ses suites prévues (2017-2019), il n'a pas fallu longtemps pour qu'on y attache une nouveau film. L'ironie veut que ce nouveau roman soit officiellement une suite à la première trilogie de Larsson mais que l'adaptation cinématographique ne soit ni une suite ni un reboot ; bref, se prononcer clairement était un risque pour la production vis à vis du résultat et des comparaisons inévitables, mieux vaut donc rester dans le flou artistique... D'abord expliquons que le titre provient d'une maxime issue de "Crépuscule des Idoles" (1888) de Friedrich Nietzsche soit "Ce qui ne me tue pas me rend plus fort" ; cette citation apparaît au chapitre 23 du roman mais la scène correspondante, pourtant marquante, n'existe pas dans le film...
Pour ce nouveau projet les producteurs ont choisi le réalisateur uruguayen Fede Alvarez déjà responsable du remake "Evil Dead" (2013) et surtout du très bon "Don't Breathe - la maison des Ténèbres" (2016). Le cinéaste collabore avec la plupart de ses techniciens et artistes de ses précédents films comme le Directeur Photo, le Compositeur et le Chef Costumier. Le casting d'un tel film est évidemment essentiel. La désormais mythique Lisbeth Salander, incarnée avant par Noomi Rapace et Rooney Mara est dévolue cette fois à Claire Foy vedette de la série TV "The Crown" (2016-...) et surtout vue récemment dans (2018) de Damien Chazelle. L'autre héros de la saga, Mikael Blomkvist, après Micahel Nyqvist et Daniel Craig est incarné par le méconnu Sverrir Gudnasson, acteur suédois vu dans l'excellent "Börg/McEnroe" (2017) de Janus Metz Pedersen. Les autres protagonistes centraux sont interprétés par Sylvia Hoeks remarquée dans "Blade Runner 2049" (2017) de Denis Villeneuve, Lakeith Stanfield aperçue dans (2017) de Jordan Peele, Vicky Krieps vue en muse de Daniel Day Lewis dans "Phantom thread" (2018) de Paul Thomas Anderson... Au casting, il y a déjà un soucis, non par le talent des acteurs mais par la direction d'acteurs et l'apparence des personnages. Ainsi Blomkvist manque de présence et semble trop jeune, tandis que Lisbeth Salander a une apparence trop "sage" et "classique", d'une gothique pink on arrive soudain à une simple motarde... Cette dernière est d'ailleurs symptomatique de l'ambiance générale. La première trilogie est particulièrement sombre et fataliste alors qu'icion est plus dans un thriller de facture classique avec un paramètre action important. En cela le Chef Costumier Carlos Rosario confirme : "Nous voulions qu'elle ait plus de profondeur pour que le public puisse plus facilement s'identifier à elle. Nous nous sommes retenus d'aller trop loin dans le côté gothique et lui avons donné un look un peu plus motard"... Mais justement ! Le look a assurément joué un rôle essentiel pour rendre Lisbeth Salander icônique, et pour la "profondeur" du personnage nous pouvons non sans risque affirmer que l'équipe de ce film n'a rien compris (ou pas voulu respecter) l'oeuvre originale.
Par là même, transformer Lisbeth salander en Rape Revenger est tout aussi simpliste surtout que Alvarez ne l'assume pas complètement avec une seule scène en ouverture. Rappelons-le, si la production joue le flou artistique il n'en demeure pas moins que le roman adapté est bel et bien une suite à la trilogie originelle et que, par conséquent, cette adaptation se doit de l'assumer bon gré mal gré notamment ne ce qui concerne la famille Salander... Outre le fond dont la noirceur est arasée, la forme est tout aussi maladroite. Par exemple toute la partie "attentat" est râtée où comment expliquer qu'après une explosion d'ampleur les secours semblent prendre leur temps tandis qu'ensuite tout le système électrique reste opérationnel et ce, sans qu'aucune limite policière ne soit à priori établie ?! Le vrai soucis est que la production a voulu à la fois une suite et un reboot ce qui est antinomique. Moderniser le fond et à la fois assouplir la forme est juste un manque total de respect vis à vis des romans de Larsson et encore moins vis à vis de la trilogie cinéma qui en a découlé. Résultat, un film d'un académisme ennuyeux et vain.
Note :