Réalisateur : Andréa Bescond et Eric Métayer
Acteurs : Andréa Bescond, Karin Viard, Clovis Cornillac, Pierre Deladonchamps,...Distributeur : Orange Studio Cinéma / UGC Distribution
Budget : -
Genre : Drame
Nationalité : Français
Durée : 1h43min
Synopsis :
Odette a huit ans, elle aime danser et dessiner. Pourquoi se méfierait-elle d’un ami de ses parents qui lui propose de « jouer aux chatouilles » ? Adulte, Odette danse sa colère, libère sa parole et embrasse la vie...
Critique :
Récit bouleversant traitant aussi bien avec intelligence et sincérité que de manière brute et frontale, un sujet hautement sensible (les violences sexuelles sur enfants),#LesChatouilles est une oeuvre percutante, poignante et (surtout) douloureusement nécessaire (@MnFrankenstein) pic.twitter.com/r6kXokaX1W— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) 18 novembre 2018
Odette a 8 ans. Elle aime dessiner et la danse classique. Elle aime un peu moins Gilbert, très proche ami de ses parents qui se livre à des attouchements et viols sur la fillette, sans qu’elle ose en parler. A présent adulte, Odette décide d’entamer une thérapie.
Inspiré d’une histoire vraie, celle de la réalisatrice qui l’a ensuite transposé en livre et en pièce de théâtre avec son compagnon Eric Metayer, Les Chatouilles est l’histoire d’une reconstruction après des années de souffrance et de colère. Le film s’ouvre une scène d’emblée difficile à regarder. Dans un espace aux couleurs douces, à la fois confortable et trop grand pour cette petite fille blonde au regard angélique, un homme arrive. Il lui propose de jouer à la poupée. Ce sera elle la poupée. Il la coiffera, l’habillera et lui fera des « chatouilles », un geste qui n’a d’innocent que le nom qu’il lui donne pour éviter d’attiser les soupçons de l’enfant. Cette scène, début du film mais aussi du calvaire de l’héroïne, présente le traumatisme mais le pose aussi. La construction du film est maîtrisée : à chaque fois qu’il s’éloigne de son sujet, pour devenir un peu plus léger voir drôle, un nouveau souvenir s’interpose, créant une sorte de ritournelle insupportable.
Odette, présentée au travers des années, n’est cependant interprétée que par deux actrices. Il y a l’Odette enfant et l’Odette adulte, qui fait traîner sa thérapie, la délaissant parfois pendant des mois. Le film, adapté d’une pièce de théâtre, peut parfois s’embourber un peu dans certaines idées trop théâtrales, néanmoins celle-ci reste excellente. Odette est un personnage qui n’a que deux identités : celle de la petite fille puis pré-adolescente soumise aux envies libidineuses de son bourreau, puis celle de l’adulte qui tente de s’en sortir mais qui est sans cesse rattrapée par cette petite fille. Elle ne peut évoluer tant que l’ombre de Gilbert plane toujours au-dessus d’elle. Chaque scène avec le personnage joue habilement avec son espace pour tenter de séparer désespérément Gilbert d’Odette mais le pédophile revient inlassablement. Malgré quelques hics dans ses dialogues (ou quelques scènes un peu longues), Les Chatouilles est loin, très loin même, du théâtre filmé puisqu’il utilise pleinement la grammaire cinématographique, composant ses plans avec soin, jouant sur leurs échelles et la présence – ou non d’un personnage à l’intérieur.
Un sujet aussi sensible est difficilement traitable par une tierce personne, c’est pourquoi Andréa Bescond était la mieux placée par raconter sa propre histoire. On ne dira pas que le film sonne juste, le contraire aurait été difficile. Néanmoins, on peut saluer son utilisation du médium, l’intelligence de son montage, de façon à exprimer le mieux possible les séquelles du traumatisme. Et, là où des cinéastes se complaisaient dans les cris et les larmes, Bescond s’autorise de la danse et du rire, des scènes drôles ou absurdes (dont celle pendant laquelle Odette rencontre son petit ami, qui semble sortie d’une romcom gentiment irrévérencieuse). Les Chatouilles ne fait pas davantage dans la finesse mais ce n’est pas son but. Rarement abordées de manière si frontale dans une œuvre destinée au grand public, encore taboues dans les familles, les violences sexuelles et plus précisément les violences sexuelles sur enfants ainsi que leurs conséquences se devaient d’être montrées de manière si brute.
Manon Franken