LES FILLES DU SOLEIL (Critique)

Par Cliffhanger @cliffhangertwit

SYNOPSIS: Au Kurdistan, Bahar, commandante du bataillon Les Filles du Soleil, se prépare à libérer sa ville des mains des extrémistes, avec l'espoir de retrouver son fils. Une journaliste française, Mathilde, vient couvrir l'offensive et témoigner de l'histoire de ces guerrières d'exception. Depuis que leur vie a basculé, toutes se battent pour la même cause : la femme, la vie, la liberté.

Souvenir cannois : le samedi 12 mai 2018, afin de faire écho aux protestations en faveur de l'égalité salariale entre hommes et femmes, le Festival de Cannes organisa une montée des marches de 82 actrices engagées - nombre symbolique puisqu'il correspond au nombre de réalisatrices sélectionnées depuis la toute première cuvée cannoise. Aujourd'hui, on désole de voir que ce combat féministe se soit vu relié à la projection simultanée en compétition des Filles du Soleil, film le plus hué et le moins bien noté de la Croisette cette année. Parce que le lynchage est en tous points mérité. Parce que le féminisme trouve ici le pire véhicule possible pour faire passer son engagement. Parce que sa jeune réalisatrice, après un Bang Gang particulièrement désolant de par son regard puritain sur le sexe et la jeunesse, prouve à nouveau son aptitude à passer totalement à côté d'un sujet quand ce n'est pas son manque de subtilité qui démolit tout. Parce que même en ayant une connaissance plus que limitée de la guerre en Syrie (l'auteur de cette critique se doit de faire cette précision), on ne sortira pas de ce film avec une approche thématique un tant soit peu singulière et fouillée du conflit. Et surtout parce qu'en matière de pathos, on reste effaré que le bouleversant Capharnaüm de Nadine Labaki ait reçu bien plus de reproches que ce film-là.

Le fait de passer d'une jeunesse noyée dans la quête de jouissance à un commando de femmes kurdes noyées dans la douleur et la vengeance ne change rien au problème général concernant Eva Husson : une fois engagée dans un sujet, tout semble se résumer chez elle à une observation objective sans la moindre réflexion, avec des velléités de mise en scène pour le moins déplacées et un constat simpliste qui mijotait déjà avant même de s'y frotter. Même si le carton précise que l'intrigue est tirée de faits réels (avec néanmoins quelques soucis de réécriture), on jurerait déceler un portrait déguisé de la réalisatrice derrière ce personnage de photographe-reporter jouée par Emmanuelle Bercot. Le rôle de celle-ci dans l'accompagnement de ces femmes en quête de liberté et de justice va être très simple : suivre le groupe, prendre des photos, écouter leurs récits de captivité et de fuite (enfin surtout celui du personnage joué par Golshifteh Farahani), et... c'est tout. La voir affublée d'un cache-œil en vient même à faire sourire notre âme de cinéphile : s'agirait-il d'un clin d'œil à la furie vengeresse borgne du Crime à froid de Bo Arne Vibenius ? OK, on vise un peu trop loin, là... N'empêche que le résultat final échoue à mettre en valeur le combat de ces femmes face à la barbarie djihadiste. Tout le scénario des Filles du Soleil frise la simplification à outrance dont certains reportages télévisés ou discours pseudo-indignés se font souvent l'écho. Les dialogues sont si simplistes qu'on irait jusqu'à croire que BHL les a écrits en cachette, le réalisme de la guerre se résume ici à deux rafales de AK-47 et trois pauvres explosions (bon courage pour ressentir la peur et le danger là-dedans), et les choix de découpage se limitent à accompagner une forme d'élan vital et libertaire en lien avec des flashbacks inondés de pathos. Et côté travail de mise en scène, mention spéciale à la scène de déambulation souterraine, qui met à mal la notion de " cohérence géographique " pour le commun des mortels.

Habitées et investies tant bien que mal dans des rôles qui ne servent pas leur large palette de jeu, les actrices héritent ici du rôle de victimes collatérales, jamais vectrices d'une quelconque empathie et envoyées au casse-pipe malgré des efforts plus que méritants. Elles ne peuvent ainsi sauver à elles seules un film de guerre aussi naïf et schématique, plus à même de desservir la cause féministe qu'à en renforcer l'impact. On a beau se persuader du fait que les clichés ont la vie dure, les voir empilés les uns sur les autres dans une intrigue moins épaisse que sa surcharge tire-larmes est terrible . Quant à la prégnance d'un féminisme à fleur de peau, notons que la grille de lecture ici encouragée est éminemment occidentale, donc propice à des soupçons de hors-sujet chez les spécialistes du conflit. Et de ce fait, dans cette optique d'un sujet engagé et contemporain sur lequel un cinéaste incompétent s'essuie les pieds en y plaquant sa propre culture avec indécence, il est impossible de ne pas oser le parallèle avec le mémorable The Last Face et son obscénité massive vis-à-vis de l'action humanitaire au sein des guerres civiles en Afrique. Sauf que le nanar de Sean Penn, aussi répugnant soit-il, avait au moins pour lui une propension inédite au fou rire nerveux, débordant de dialogues maxi-grotesques et d'énormités conceptuelles. Contrairement à lui, le second film d' Eva Husson se contente de faire tâche sans réussir à faire date.

Titre Original: LES FILLES DU SOLEIL

Réalisé par: Eva Husson

Casting : Golshifteh Farahani, Emmanuelle Bercot, Zübeyde Bulut ...

Genre: Drame

Sortie le: 21 novembre 2018

Distribué par: Wild Bunch Distribution

TRÈS MAUVAIS