Un grand merci à Rimini Editions pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « La grande combine » de Billy Wilder.
« Tu vas voir, cet homme n’est pas tout à fait un médecin, c’est un vétérinaire. Mais en fait, il est dentiste ! »
Harry Hinkle, caméraman de télévision, est heurté par un arrière de 110 kilos alors qu’il filme un match de football américain. Il est transporté à l’hôpital où il apparait qu’il ne présente aucun traumatisme. Mais son beau-frère, avocat sans scrupule, lui conseille de jouer les paralysés afin d’obtenir des dommages et intérêts.
« Si on veut réussir de nos jours, il faut se faire mousser, faire dans le tape-à-l’œil »
Ancien poulain des studios berlinois de la UFA, Billy Wilder rejoint dès le milieu des années 30 Hollywood et sa cohorte d'allemands ayant fuit le nazisme. Il s'y fera d'abord un nom en tant que scénariste (notamment pour son compatriote Lubitsch) avant de devenir l'immense cinéaste que l'on connait. Sa prolifique carrière de réalisateur est néanmoins très segmentée puisqu'il sera d'abord durant les années 40 un grand maitre du film noir (« Assurance sur la mort », « Boulevard du crépuscule »), avant de se consacrer durant les années 50 à des comédies à tendance romantique (« Ariane », « Sabrina », « Certains l’aiment chaud »). Réalisé en 1966, « La grande combine » annonce pour sa part la fin d’un troisième cycle, très marqué par les années 60, au cours duquel le cinéaste se livrera à une série de comédies satiriques dans lesquelles il n’aura de cesse de brocarder les travers de la société américaine et l’hypocrisie de l’American Way of Life.
« Willie serait capable de trouver un échappatoire dans les dix commandements ! »
Ainsi, après avoir dénoncé l’arrivisme social dans « La garçonnière », l’impérialisme dans « Un, deux, trois » ou encore le puritanisme dans « Embrasse-moi idiot », il s’attaque cette fois à la cupidité avec « La grande combine ». Soit un avocat véreux qui profite de l’accident pourtant sans gravité de son beau-frère lors d’un match de football pour échafauder une arnaque aux assurances. Un stratagème grossier, auquel personne ne semble vraiment croire (y compris les avocats des assurances), mais qui permet au cinéaste de pointer les dérives d’un système juridique devenu une sorte de pompe à fric où chacun tente de berner l’autre pour obtenir sa part du gâteau. Mais derrière l’aspect joyeusement loufoque de la farce, Wilder dénonce (une nouvelle fois) l’immoralité de la société américaine, totalement corrompue par l’appât du gain. Comme si le dollar était une vertu en soi capable de justifier les pires comportements humains. De ce point de vue, le film joue à l’arroseur arrosé et le pauvre Harry se retrouve victime de ses propres mensonges : l’intérêt que lui porte son beau-frère tout comme le retour de sa femme ne sont motivés que par les potentiels dommages et intérêts qu’il touchera et dont ils veulent obtenir une part. Un monde de faux-semblants dont il ne se libèrera que dans les ultimes minutes, pour sauver ce qui a véritablement de la valeur à ses yeux : son honneur et son amitié pour le footballeur à l’origine de son accident, qui de part son sentiment de culpabilité est la véritable victime du film. Si on rit beaucoup des facéties du personnage de Jack Lemmon, embarqué malgré lui dans cette improbable combine, c’est sans nul doute Walter Matthau, en avocat cynique et redoutable (il reçut l’Oscar pour sa prestation) qui crève ici l’écran. Le duo d’acteurs, formidablement complice et complémentaire, collaborera d’ailleurs ensuite pas moins d’une dizaine de fois. Comme à son habitude, Wilder signe ici une farce morale acide pleine d’intelligence et d’acuité, dont on regrettera cependant la longueur, coupable ci et là de quelques grosses baisses de rythme.
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Le DVD : Le film est présenté dans un nouveau Master Haute-Définition, en version originale américaine (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.
Côté bonus, le film est accompagné d’une Conversation entre les journalistes Olivier Macheret (Le Monde) et Frédéric Mercier (Transfuge) et de « I.A.L. Diamond / Billy Wilder : écrire à quatre mains (part. 2) ». Un livret consacré au tournage du film complète cette belle édition.
Edité par Rimini Editions, « La grande combine » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 23 octobre 2018.
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