[CRITIQUE] : Les Confins du Monde

Par Fuckcinephiles

Réalisateur : Guillaume Nicloux

Acteurs : Gaspard Ulliel, Guillaume Gouix, Lang-Khê Tran, Gérard Depardieu,...
Distributeur : Ad Vitam
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français.
Durée : 1h43min

Synopsis :

Indochine, 1945.
Robert Tassen, jeune militaire français, est le seul survivant d'un massacre dans lequel son frère a péri sous ses yeux. Aveuglé par sa vengeance, Robert s'engage dans une quête solitaire et secrète à la recherche des assassins. Mais sa rencontre avec Maï, une jeune Indochinoise, va bouleverser ses croyances.


Critique :

Trip halluciné et hallucinant sur fond de revenge movie viscéral en pleine guerre d'Indochine, #LesConfinsDuMonde est une plongée vénéneuse et férocement immersive au coeur des ténèbres, un conte brutal citant Coppola et Stone, et porté par un Gaspard Ulliel totalement habité pic.twitter.com/F0JjWoXqHQ— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) 5 décembre 2018

On avait laissé l'excellent Guillaume Nicloux avec le merveilleux Valley of Love, errance à ciel ouvert sublime, mystiques et puissantes totalement vouée à ses interprètes, Gérard Depardieu et Isabelle Huppert, à l'alchimie renversante.

Une expérience profondément étrange et mélancolique effleurant avec intelligence les thèmes universels de l'amour et de la mort (le deuil d'un enfant plus particulièrement), un parcours introspectif à l'ambiance un brin fantastique et pesante, appuyée autant par la force de son cadre - la mythique Vallée de la Mort en Californie -, que par son envoûtante musique.
Trois ans plus tard et toujours avec un adoubement du festival de Cannes, il nous revient dans les dernières heures de 2018 avec Les Confins du Monde, prenant à bras le corps la guerre coloniale qui opposa la France et l'Indochine, pour nous narrer un conte funeste et violent citant directement Apocalypse Now de Coppola, voir même le cinéma engagé d'Oliver Stone.

Trip halluciné et hallucinant sur fond de revenge movie viscéral (ou un homme Robert Tassen, tente de retrouver le ched dun groupe rebelle ayant massacré sa famille dans l'Indochine de 1945) qui rappelle instinctivement son précédent long dans ses thématiques - autant dans son rapport intime à la grande faucheuse que son obsession pour le désagrégement de l'âme humaine -, Nicloux joue tout du long sur la perte de repère (temporel, physique et psychologique) pour mieux perdre justement son histoire au sein dun cauchemar sans nom dans la moiteur d'une jungle (très) dangereuse où la tension et la folie sont les maîtres mots.

Ausculation contemplative - trop peut-être - et brutale d'un conflit qui le fut tout autant (voire même mille fois plus) ne s'accordant que très peu de temps morts (une romance pas forcément prenante entre le héros et une jeune prostituée), passionnante même su intimement frustrante au final, autant dans son manque de réponse (on ne sait pas réellement le fruit que donnera cette épopée vengeresse au final) que le manque de profondeur de ses personnages (le cinéaste n'a d'yeux que pour le magnétique Gaspard Ulliel), Les Confins du Monde offre une vision incroyablement critique de la politique française (et son statut d'empire coloniale surpuissant et inhumain) mais aussi de la noirceur macabre et cannibale de l'âme humaine, pervertie par ses excès de violence et ses angoisses.

Une plongée vénéneuse au coeur des ténèbres découpée au couteau, certes loin d'être originale (Nicloux accumule d'ailleurs les références avec intelligence), mais férocement immersive (notamment grâce à la superbe photo de David Ungaro).

Guillaume Nicloux continue donc à nourrir son cinéma singulier avec de vraies propositions de cinéma uniques et passionnées, et ça c'est (vraiment) une excellente nouvelle.


Jonathan Chevrier