Après un premier long remarqué avec (2014) qui, avec le film "Les Poings contre les Murs" (2014) de David Mackenzie, révéla l'acteur avec Jack O'Donnell, le réalisateur français (mais qui vit en Angleterre depuis sa tendre enfance) Yann Demange revient avec une histoire vraie dans le sous-genre très américain du destin hors norme d'un caïd de la drogue. Une histoire vraie bien indiquée sur le titre en V.F. pour être sûr que le spectateur lambda ait bien compris (?!) alors que le titre en V.O. impose le surnom du personnage principal "White Boy Rick"... Il s'agit donc d'un biopic sur Richard Wershe Jr. (tout savoir ICI !), qui a la particularité d'avoir été le plus jeune indic du FBI et le plus jeune (petit !) baron de la drogue des Etats-Unis ce qui donne un cachet non négligeable à cette histoire. En effet, les films sur le destin de caïds de la drogue sont légion au cinéma (la liste serait trop longue à énumérer ici !)... Dans un sens, si un place le contexte social difficile et l'adolescence on pourrait dire que "Sweet Sixteen" (2002) de Ken Loach est l'anti-thèse du film de Demange, ce dernier restant dans la zone de confort du canevas habituel du genre... Le scénario est signé d'un trio, de Andy Weiss auteur de (2009) de George Gallo, et des frères Logan et Noah Miller qui ont signé le western "Shérif Jackson" (2013) écrit par les deux mais réalisé par Logan... Le personnage principal, l'ado Richard est incarné par un complet inconnu, Richie Merritt, casté dans son collège et qui trouve donc ici son premier rôle et qui s'affirme d'ores et déjà comme la première révélation ciné 2019.
Son père est incarné par un habitué du genre biopic Matthew McConaughey qu'on a pu voir dans des films comme "Dallas Buyers Club" (2014) de Jean-Marc Vallée, "Free State of Jones" (2016) de Gary Ross et (2017) de Stephen Gaghan. La soeur et fille junkie des précédents est interprétées par Bel Powley remarquée dans (2017) de Christopher Smith. Les grands-parents sont joués les vétérans Piper Laurie vue dans "L'Arnaqueur" (1961) de Robert Rossen et maman de "Carrie au Bal du Diable" (1976) de Brian De Palma, et Bruce Dern vu dernièrement dans (2014) de Alexander Payne et "Les Huit Salopards" (2016) de Quentin Tarantino, il retrouve ainsi sa partenaire Jennifer Jason Leigh qui était dans le Tarantino et qu'on a vu récemment dans "Annihilation" (2018) de Alex Garland. On reconnaitra l'excellent Eddie Marsan récemment vu dans "Otages à Entebbe" (2018) de José Padilha. En prime, outre les scénaristes Miller notons qu'un des producteurs est Darren Aronofsky également grand réalisateur dont on attend le grand retour après le décevant (2017)... Le film se déroule sur la courte période 1984-1988, mais le destin du jeune Richard est à mettre en parallèle avec la déchéance de la ville de Detroit qui a débuté avec l'effondrement de l'industrie automobile et symbolisé par les émeutes de 1967 que le film "Detroit" (2017) de Kathryn Bigelow relatait en partie. Le contexte social à une importance capitale, comme l'écrivait dès 1987 l'écrivain et cinéaste Barry Michael Cooper dans le journal The Village Voice : "D'après les estimations officielles, il y aurait au moins deux armes en circulation pour chaque habitant de la métropole de Detroit. 56 adolescents de 17 ans ou moins ont été tués par arme à feu cette année et près de 300 on été blessés, un chiffre qui dépasse celui de l'année dernière avec 46 morts tandis que le nombre de blessés atteindra à n'en pas douter le record de 1986 et ses 365 victimes de blessures par balle. Les atrocités qui se produisent à Detroit prennent des proportions dantesques... La violence n'y connait aucune limite et s'insinue partout : dans les tours de bureaux du centre-ville, dans l'intimité des foyers de la classe moyenne supérieure du West-Side, et dans les quartiers défavorisés de l'East Side."... La première déception réside sur ce point. La ville de Detroit ayant trop changé l'essentiel du tournage s'est déroulé dans la ville de Cleveland, mais le contexte particulièrement misérable et violent de Detroit est plutôt mal décrit, voir trop occulté et/ou sous-exploité.
Dommage car ce paramètre aurait pu dissocier plus nettement ce film des autres films du genre en insistant sur un contexte social particulièrement catastrophique. Par là même, le scénario passe beaucoup trop vite sur la dimension politico-judiciaire et le rôle central qu'a pu jouer le jeune Richard dans le démantèlement d'un réseau de flics ripoux. On est d'autant plus déçu que quand le directeur Photo Tat Radcliffe (déjà sur "'71") avoue s'être inspiré des films "La Cité de Dieu" (2002) de Fernando Meirelles et "Gomorra" (2008) de Matteo Garrone. Le réalisme brut et la fougue ambiante inhérent à ces deux films est pourtant absent dans ce film, idem pour la qualité photo/lumière qui s'avère très basique. On en retrouve pas la nervosité de la mise en scène de Demange sur "'71", le cinéaste semble avoir été hypnotisé par les grands films du genre qui l'ont précédé sans jamais réussir à offrir un film plus personnel. Loin d'être mauvais ou inintéressant, "Undercover" s'avère un film d'un classicisme tout ce qu'il y a d'efficace et de divertissant mais sans jamais réussir à transcender son sujet que ce soit sur le fond ou la forme. Dommage... Néanmoins, le sujet se prête de toute façon à un intérêt qui reste assez fascinant et les acteurs sont excellents.
Note :