[CRITIQUE] : Invasion Los Angeles

Par Fuckcinephiles

Réalisateur : John Carpenter
Acteurs :
Roddy Piper, Keith David, Meg Foster,...
Distributeur : Splendor Films
Budget : -
Genre : Action, Science-Fiction, Thriller.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h33min.

Date de reprise : 2 janvier 2019 - Version restaurée
Date de sortie : 19 avril 1989

Synopsis :
Un ouvrier au chômage découvre un groupe discret qui fabrique des lunettes noires. Intrigué, il en essaie une paire et découvre un monde effrayant : de nombreux humains sont en réalité des extraterrestres aux visages hideux et écorchés ; les panneaux publicitaires ordonnent la soumission dans des termes dignes de Big Brother. Avec un autre ouvrier, il affronte les envahisseurs. Mais quel jeu joue Holly, la séduisante responsable des programmes du canal 54 ?

Critique :

Pour bien démarré 2019, @SplendorFilms nous offre une version restaurée et toute pimpante du génial #InvasionLosAngeles de John Carpenter, dont la charge insoumise et politique n'a jamais paru aussi forte.
Fais-toi plaisir, vas le (re)voir en salles.https://t.co/YrLQimVnkE
— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) 3 janvier 2019

Au-delà du plaisir incommensurable de pouvoir découvrir, pour tout môme des 80's/90's ayant grandi avec la VHS (puis le DVD, dans des éditions pas toujours défendables), l'un des monuments du cinéma béni de John Carpenter sur grand écran - et encore plus, un n'étant pas encore passé par la moulinette du remake infâme -, il y a aussi et surtout, un sévère pincement au coeur d'y revoir le légendaire Roddy " Rowdy " Piper, piètre acteur (sauf sur un ring) mais vraie machine à spectacle pour tout amoureux des joutes verbales et physiques théâtralisées de la WWE.
Un petit surplus de nostalgie et d'importance pour un film qui, encore plus aujourd'hui, est un coup de poing sur pellicule sans nul pareil.

Copyright Universal Pictures Company Inc.

Sorti juste après ce qui peut être considéré comme son plus bel essai (avec The Thing), Le Prince des Ténèbres, Invasion Los Angeles ou plutôt They Live en v.o - titre tellement plus juste -, était, plus encore que les précédents essais de Big John, une manière pour le cinéaste d'imprimer sur la pellicule, sa vision nihiliste - donc infiniment juste - et jamais porteuse d'espoir, de la manière dont pour lui, le pays de l'Oncle Sam était dirigé (avec les pieds).
En prenant pour vedette un héros sorti de nulle part (ce qui justifie de facto, la présence de Piper en vedette), un ouvrier au chômage sans rien - d'où son nom, Nada - qui va vite réaliser par la force des choses et de sa curiosité salvatrice, que le monde moderne est envahi par des extraterrestres prônant la soumission de l'homme, Carpenter place directement le spectateur (dès son ouverture, passant des beaux quartiers de L.A. aux bidonvilles où John Nada va essayer de se faire sa place) au coeur des laissés-pour-compte du système, de ceux confronté à la dure réalité d'un monde qui les rejette autant qu'il les étouffe (les relents de fascisme sont d'ailleurs constamment présents) et les condamne à la précarité.

Copyright Universal Pictures Company Inc.


Avec son atmosphère complotiste proche des thrillers d'espionnage tout droit sortie de la Seconde Guerre Mondiale, le cinéaste se sert habilement de la science-fiction pour mieux frapper dur et avec colère dans l'entre-jambe d'un monde boursouflé par son consumérisme et les inégalités sociales, un abrutissement de masse prônant le conformisme et la zombification du peuple au détriment de la " golden rule ", un endormissement par la force accentué par le pouvoir pernicieux de l'image, dont la surprésence urbaine a totalement annihilé la violence psychologique et intellectuelle qu'elles incarnent.
" Obey", " Consume ", " Buy ", " Conform ", " Reproduce ", " Watch Television ", " Stay Asleep ",...
Plus qu'un simple divertissement lambda, They Live, faux film d'action mais vraie satire sociale puissante allant constamment à l'essentiel - comme le merveilleux mais plus futuriste Soleil Vert Richard Fleischer - au final " Carpentierien " en diable (le happy-end, c'est un concept tellement surfait), est une oeuvre phare faîte pour que le spectateur, tout comme John Nada, ouvre les yeux pour mieux mirer la réalité d'un monde malade et terrifiant, que l'on ne désire pourtant pas voir tel qu'il est réellement.

Copyright Universal Pictures Company Inc.


Jamais Carpenter n'avait autant usé des mécaniques sociales et de sa verve politique pour asséner son message et pousser à la prise de conscience face à l'apathie consumériste et une violence invisible sous ses apparats colorés et châtoyants, mais pourtant bien réelle.
Trente ans après, il serait peut-être temps que l'on commence à l'écouter un peu, alors que lui-même est fatigué par l'idée de nous offrir de nouvelles piqûres de rappel en sur grand écran.
L'horreur est partout, le mal aussi.


Jonathan Chevrier