Aaron sorkin : l’idée

Avoir une idée n’est pas difficile (même si l’on estime parfois en manquer). Toutes les idées, cependant, ne sont pas aptes à devenir une fiction dramatique.

Une idée de fiction, selon Aaron Sorkin, introduit un élément de perturbation dans ce qui pourrait apparaître autrement comme un simple quotidien.

Une idée devient possible pour une fiction dès que, dans l’énoncé de celle-ci, vous ajoutez mais…, sauf que…, et alors… c’est-à-dire dès que vous introduisez une rupture dans le quotidien ou le projet d’un personnage.

Par exemple, dans Seul au monde, Chuck Noland est un habitué des voyages autour du monde pour FedEx. C’est alors que, lors d’un vol de routine pour solutionner un problème urgent, son avion s’écrase sur une île déserte.

L’essence de la fiction : le conflit

Une situation dramatique est une situation conflictuelle. Lorsqu’un personnage se voit forcé de mettre en place une stratégie pour résoudre un problème, il est nécessairement dans une situation conflictuelle.

Il va devoir faire des choix qu’il n’aurait pas dû faire si les circonstances ne les avait pas sollicités. Reconsidérons Chuck Noland. Chez FedEx, c’est un expert. Mais le voilà soudain projeté dans un monde qui lui est totalement inconnu et il devra s’y adapter.

Nous aurions pu suivre un personnage comme Chuck, c’est-à-dire quelqu’un de très bon dans sa profession, en prise avec des problèmes qu’il s’est géré au quotidien.
Mais décrire cette habitude, aussi intéressante soit-elle, est du journalisme non de la fiction dramatique.

Ce qu’il faut rechercher, c’est un événement qui rompt le quotidien du personnage. La réponse de celui-ci sera de développer une intention pour résoudre ce problème qui lui tombe dessus mais il rencontrera des obstacles nouveaux, c’est-à-dire dont il n’a pas encore fait l’expérience.

Intention et Obstacles mettent en place le conflit (au moins potentiel).

Idée de film ou de série

Pour Aaron Sorkin, ce qui différencie l’idée d’une série de celle d’un film est le contexte dans lequel peut se déployer une intrigue. Ce contexte est un lieu et une époque.
Dans Lost, par exemple, le contexte est cette île mystérieuse. Dans A la maison blanche, le contexte est précisément ce qu’il se passe dans cette aile ouest de la Maison Blanche.

Le contexte doit être apte à nourrir de nombreuses intrigues et il sera alors un parfait étai pour une série.
Par ailleurs, si l’on suit un personnage de la première scène au dénouement mais qu’il n’y a plus d’histoire à raconter après le dénouement, cela signifie que métaphoriquement, le personnage principal est mort pour reprendre l’expression d’Aaron Sorkin.

Ce peut être une mort physique, ce qui mettrait un point final à l’histoire, mais il faut surtout le comprendre comme un assèchement de l’idée. On a épuisé tout ce que l’on avait à dire de cette idée. Et cela donne un film.

Habituellement, il est préférable de savoir de quoi l’on cause. Alors que le lecteur pourrait très bien ne pas du tout être familier avec le monde que vous lui proposez, l’auteur doit connaître son sujet. Soit c’est quelque chose qu’il suit depuis un moment, soit il se livrera à des recherches suffisantes.

Par ailleurs, on pourrait très bien n’avoir aucune idée mais seulement une intuition qu’il existe dans cette matière encore informe, dans ce bouillonnement qui s’agite devant nous, une matière dramatique qu’il reste encore à découvrir.

Ce qu’il importe surtout, c’est que vous déterminiez, et Aaron Sorkin insiste énormément là-dessus, une intention et un obstacle majeur. Ces deux notions bien ancrées dans votre esprit vous permettront d’aborder n’importe quel genre, n’importe quel ton.