Un grand merci à Sidonis Calysta pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « La nuit des généraux » de Anatole Litvak.
« La justice est aveugle. Elle ne voit ni les épaulettes, ni les galons. Si un général est le coupable, il devra être pendu. »
1942. Une prostituée polonaise est sauvagement assassinée en plein Varsovie. La victime se trouvait être un agent des renseignements allemands. Les soupçons se portent sur trois généraux dont le général Tanz. Le major Grau réclame justice en dépit des atrocités commises par ailleurs. L’enquête ne se terminera qu’en 1965, à Hambourg en mettant à jour un vaste complot.
« Quels que soient les goûts du général, espérons que ça ne soit pas vous. Sinon, n’oubliez pas que vous servez la patrie ! »
Anatole Litvak où l'histoire d'un cinéaste déraciné. Né à Kiev dans l'Empire russe, il débute sa carrière de réalisateur au cours des années 20 pour le compte de l’Union soviétique avant que les aléas de l'Histoire et la montée de l’antisémitisme l’obligent à émigrer. Il travaillera ainsi successivement en Allemagne, en France puis aux États-Unis où il deviendra une figure du film noir (« Le mystérieux Docteur Clitterhouse », « Raccrochez, c’est une erreur ») et du mélodrame (« L’étrangère »). De ses différents exils, il gardera un goût prononcé pour les amours impossibles et les sujets liés à l’Histoire tourmentée de l’Europe : les histoires de cour de l’Empire austro-hongrois (« Mayerling »), la révolution russe (« Anastasia »), la première guerre mondiale (« L’équipage ») ou l’insurrection hongroise de 1956 (« Le voyage »). Il en gardera aussi une indéfectible amitié avec l’écrivain français Joseph Kessel dont il adaptera les écrits (« L’équipage », « The woman I love ») et avec lequel il collaborera à plusieurs reprises (« Mayerling », « Un acte d’amour »). Jusque sur son avant-dernier film, « La nuit des généraux », en 1967.
« Le meurtre n’est-il pas l’occupation principale des généraux ? »
Libre adaptation de deux romans (« La culbute » de James Hadley Chase et « La nuit des généraux » de Hans Hellmut Kirst), « La nuit des généraux » tient ainsi son originalité de son subtil mélange des genres puisqu’il développe une intrigue proprement policière (la traque de l’assassin de plusieurs prostituées) dans un contexte de film de guerre. Une sorte de whodunit de facture finalement très classique dans lequel trois généraux allemands sont suspectés d’être le meurtrier de ces femmes. A l’évidence, le film tire sa réussite de l’excellence de son scénario, qui jongle habilement avec les évènement politico-historiques pour faire avancer son intrigue en nous faisant même accepter des postulats improbables (l’étrange relation de sympathie entre l’officier allemand et le policier français qu’il sait impliqué dans la résistance), ainsi que de la qualité de ses interprètes, en tête desquels on retrouve notamment l’immense Peter O’Toole, Donald Pleasance, Omar Sharif ou encore Philippe Noiret. Surtout, la construction de l’intrigue sur plusieurs périodes (1942 à Varsovie, 1944 à Paris, 1967 à Hambourg) permet au réalisateur de raconter la guerre autrement en nous montrant les lignes de fractures et la versatilité des soldats allemands (et notamment des officiers, au gré du vent qui tourne) et de poser avec beaucoup d’audace un regard particulièrement critique sur la société allemande, qui tolère encore vingt ans après la guerre les rassemblements de SS et de nostalgiques du troisième Reich. En creux, le film pose également de façon assez subtile la question de la justice en temps de guerre, contexte par nature assez peu favorable au respect du droit. Un très grand film donc, mais également d’un très bon moment de cinéma.
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Le DVD : Le film est présenté en version restaurée dans un Master Haute-définition, en version originale anglaise (1.0) ainsi qu’en version française (1.0). Des sous-titres français sont également disponibles.
Côté bonus, le film est accompagné du documentaire « Avec l’intention de s’attarder sur la vie de Sir Peter O’Toole » (1992, 45 min.) ainsi que de deux présentations respectivement signées par Bertrand Tavernier (33 min.) et Patrick Brion (10 min.).
Edité par Sidonis Calysta, « La nuit des généraux » est disponible en combo blu-ray + DVD ainsi qu’en édition DVD depuis le 27 octobre 2018.
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