Un film de Kore-eda est toujours un cadeau, une esthétique qui lui est toute particulière et une histoire qui viendra vous percuter. Ce film s'ouvre sur une scène ou un enfant et un adulte se croisent dans un magasin. Le petit garçon remplissant un sac à dos de nourriture. Ils sortent chacun leur tour sans payer, et partent ensemble. Lors de leur retour chez eux, ils croisent une petite fille de trois quatre ans, enfermée sur un balcon alors qu'il est tard. Elle n'est vêtue que d'un pyjama et il fait froid. L'homme lui donne à manger et décide de la ramener chez lui pendant quelques heures, jusqu'au retour de ses parents.Avec ce film Kore-eda revient à l'essentiel de ce qui fait son cinéma. Il réutilise une lumière naturelle, qu'il avait un peu délaissé dans son précédent film. De la même manière il revient aux plans qu'il affectionne. Ils semblent simples au premier regard. Mais sont intelligemment composés, ils fourmillent de détails qui nous immerge dans ce récit, dans cette famille. Ici c'est cette petite maison surchargée d'habitants et aussi d'objets hétéroclites, et si vous avez vécu dans un appartement bien trop petit pour vous, vous vous y reconnaîtrait immédiatement. Comme souvent dans ses films, il fait revenir des acteurs avec lesquels il a déjà travaillé. Si ici vous retrouverez le caméo d'une des actrice de MON film de Kore-eda préféré, "Notre petite sœur"; c'est surtout Lily Franky et Kirin Kiki qui reviennent en force. Le premier que l'on avait vu dans "Tel père tel fils", reprend le rôle du père aimant et exubérant dans un contexte totalement différent. Ici l'ambivalence de la situation, donne à cette facette un écho quasi dramatique. Kirin Kiki a joué dans plusieurs pour ne pas dire de nombreux films de ce cinéaste. Ici il lui offre pour son ultime rôle, une dernière scène qui me fait monter les larmes aux yeux rien qu'à y penser. Un adieu aux armes bouleversant, alors que dans ce film comme souvent elle est lumineuse et pleine de bienveillance avec un petit coté canaille fascinant. Comme toujours les enfants chez Kore-eda sont éblouissants de talent. Le jeune Kairi Jyo n'est pas sans nous rappeler le jeune héros de "Nobody Knows". Chacun de ses regards nous amène une émotion, il drive ce film avec délicatesse et force.La dose de mignonnerie s'appelle Miyu Sasaki, petite poupée bouleversante. Elle a su me déstabiliser tout au long du film.Sakura Ando est magique. Je ne crois pas avoir déjà vu un film avec elle. Elle donne une leçon d'acting impressionnante et ça impacte même sa beauté physique. Pour finir je citerai Mayu Matsuoka qui est plus discrète que les autres mais dans un rôle tout aussi important.On retrouve aussi ce qui fait le charme de Hirokazu Kore-eda en tant que scénariste. Une fluidité du récit, un sens du rythme aiguë, des petites phrases qui réveil un sentiment chez celui qui le regarde, qui nous font éclater de rire ou fondre en larmes. Arrive le moment le plus compliqué pour moi qui est de parler du film en lui même. Ce film traite de ce qu'est la famille, celle que l'on choisit en opposition avec celle que l'on hérite. Ce film parle comme souvent de la place des enfants dans la société japonaise.Ce film parle aussi des maisons, voire des foyer. De la maison idéale, une petite ancienne ou il fait bon se retrouver et de ses nouvelles habitations qui se ressemblent toutes.Toute cela dans une histoire qui se découpe en deux phases, une bienveillante presque hors du temps et de la réalité; et une autre qui nous cloue violemment au sol. Nous avons eu deux perceptions très différentes de la fin de ce film le Key maker de ce blog et moi. Je ne vous dirai donc pas si il est une ode optimiste à la famille car je crois que chacun donnera sa réponse en fonction de son vécu. Et c'est surement la preuve du grand talent du réalisateur.Ce long métrage vient juste derrière "Nobody Knows" et ex-aequo avec "Air Doll" dans la liste des films de ce réalisateur qui m'ont laissée chancelante. Il m'a profondément secouée presque autant par ce qu'il montrait que par ses silences.Rajouté à cela que c'est le dernier film de Kirin Kiki et sachez que je suis sortie de cette salle de cinéma sonnée comme un boxeur, et qu'il m'a fallu quatre ou cinq débuts d'articles avant de réussir à écrire celui-ci. Alors lorsque vous verrez ce film, faites attention dans certains cas il peut être considéré comme de la dynamite émotionnelle.