Velvet Buzzsaw, thriller américain de 2019 réalisé par Dan Gilroy avec Jake Gyllenhaal, Rene Russo, Toni Collette…
Synopsis : Beaucoup d’artistes collectionneurs payent beaucoup d’argent lorsque l’art entre en collision avec le commerce. Mais lorsqu’une série de tableaux peints par un artiste inconnu est découverte, une force surnaturelle parvient à s’échapper et cherche à se venger de tous ceux ayant laissé leur cupidité faire obstacle à l’art.
Netflix, depuis quelques années, tend à se faire une place de choix dans le paysage cinématographique. Que ce soit Roma d’Alfonso Cuaron, The Irishman de Martin Scorsese ou la série Mindhunter de David Fincher, nombreux sont les grands cinéastes à franchir le Rubicon et à accorder à Netflix les droits exclusifs de leur oeuvre. Que ce soit une bonne ou mauvaise chose n’est pas la question (pour les intéressés, on détaille notre avis ici : https://cinemaccro.com/2017/08/12/reflexion-11-quelle-place-doit-on-accorder-aux-productions-netflix-dans-le-paysage-cinematographique/), mais force est de constater que le service de streaming prend de l’ampleur.
Et un de leurs projets avait attiré notre attention. En effet, très séduits par l’éclatant Nightcall, nous attendions son prochain film Velvet Buzzsaw, dans lequel il allait retrouver Jake Gyllenhaal, avec impatience. Un film qui s’annonçait comme un OVNI filmique ; qu’en est-il du résultat final ?
Velvet Buzzsaw prend donc place dans le milieu de l’art, un microcosme très fermé où se faire sa place est une épreuve de force et où les critiques les plus respectés ont le pouvoir de faire et défaire des carrières. Morf Vandewalt (incarné par Jake Gyllenhaal) est l’un d’entre eux, et même le meilleur d’entre eux, lui dont la critique acerbe n’a d’égal que le lyrisme de ses paroles et l’amour de la peinture.
Mais l’art est avant tout aujourd’hui un marché financier fructueux. Les personnages qui gravitent autour de Morf, que ce soit la directrice de la galerie d’art Rhodora Haze (Rene Russo, épouse du réalisateur), la conseillère privée Gretchen (Toni Collette) ou le concurrent Jon Dondon (Tom Sturridge), tous ont en commun l’amour de l’argent avant l’amour de l’art, et n’ont pour seul but que la recherche perpétuelle du profit par la trouvaille de la prochaine perle rare.
Une obsession qui va leur coûter bien cher, puisque la découverte d’un vivier quasiment inépuisable d’œuvres dont l’auteur est récemment décédé va réveiller une force surnaturelle qui se mettra à la poursuite de ceux dont la cupidité a corrompu l’art du défunt.
Velvet Buzzsaw ne manque pas de piquant et d’intérêt, c’est certain. Prolongeant le discours introduit par Nightcall, Dan Gilroy (qui est également crédité au scénario) montre un univers où le profit est maître et où se laisser aller à toute considération morale est une perte de temps. Dans le premier tiers de son film, la mise en place de cet univers est maîtrisé, visuellement léché et en offre au spectateur une facette grinçante. Dan Gilroy lui donne à voir la vision d’un monde corrompu, jamais avare en coups bas et dont la malhonnêté et la bassesse finira par se payer. C’est là où le film est le plus efficace et percutant, dans la vision d’un monde coupé de la réalité (en témoigne cette scène, hilarante à souhait, où le personnage de Morf se retrouve à faire la critique de la musique d’un enterrement) et que Gilroy dépeint avec une mordante ironie.
On n’omettra pas de saluer la performance de Jake Gyllenhaal, que certains qualifieront de caricaturale mais qui démontre au fil du film l’étendue de sa palette d’acteur. Excellent dans ce rôle de critique dont l’amour de l’art confint à l’innocence malgré son pragmatisme évident, il porte le film sur ses épaules. Son jeu pourra déplaire à certains, notamment son interprétation un peu clichée d’un homosexuel, mais le réduire à cela serait omettre une bonne partie du film où cet aspect est justement occulté, pour laisser place à un homme terrifié et paradoxalement incompris, lui qui est si souvent écouté. A ses côtés, Rene Russo est comme souvent excellente, et son portrait d’une femme d’affaires sans scrupules ne manquera pas d’offrir des scènes audacieuses.
Néanmoins, inutile de nier que le film est très loin de l’équilibre que possédait Nightcall. Si tout le premier tiers, comme on l’a dit, est l’occasion d’une réflexion métaphysique sur l’art, le reste du film souffre d’un récit autrement bancal et beaucoup trop répétitif pour véritablement captiver son auditoire. Sans révéler les tenants et aboutissants du long-métrage, les adeptes de la saga Destination Finale sauront y trouver chaussure à leur pied. Or, dans un film qui s’annonçait comme une interrogation sur l’art, la critique et les interrogations morales qui en découlent, il bascule sans crier gare dans une succession de scènes de tension non seulement sans aucune subtilité, sans qu’on ait pu développer d’empathie pour ces personnages et surtout répétant inlassablement et jusqu’à l’excès ce schéma narratif.
On comprend que cela sonne comme une punition divine des personnages pour leurs pêchés, mais il eut été plus intéressant de ne pas en faire l’intérêt central du long-métrage qui s’en retrouve alourdi. Le film n’a jamais l’once du potentiel horrifique qu’il tente de s’octroyer, et la tension des scènes est proprement inexistante. Pour terminer ce sinistre tableau, Gilroy manque énormément de subtilité dans sa mise en scène, usant d’artifices de montage criants et ne parvenant jamais à rendre son récit palpitant.
Velvet Buzzsaw avait le potentiel d’une grande oeuvre, dans la droite lignée du formidable Nightcall. Dans les faits, il restera une oeuvre aux intentions excellentes, mais à l’exécution extrêmement chancelante.
Note
2,5/5
Après la réussite Nightcall et la déception L’Affaire Roman J., Velvet Buzzsaw semblait opérer un retour en force gagnant pour son cinéaste. Malheureusement, le propos du film, grinçant et réussi, est gâché par un scénario chancelant qui ruine son potentiel. Pas le nanar annoncé, mais une amère déception.
Bande-annonce :
https://www.youtube.com/watch?v=XdAR-lK43YUTrailer officiel de Velvet Buzzsaw