SYNOPSIS: Quelques portraits de comédiens (rien que des hommes en dehors de Josiane Balasko) qui se rencontrent et se racontent de facon organisée ou fortuite. Ils s'interrogent avec une certaine distance et ironie sur leur métier.
Après des années 80 ponctuées de moments de grâce exceptionnels ( Beau-Père, Tenue de Soirée, Trop Belle pour toi) et de deux réussites de moindre envergure auprès du public ( La Femme de mon pote, Notre Histoire), les années 90, en dehors de Merci La Vie furent plus compliquées pour Bertrand Blier. Un, deux, trois soleil (1993) et Mon Homme (1996) ne trouvèrent pas leur public et il fallut attendre l'an 2000 pour que le réalisateur revienne aux manettes d'un nouveau projet. Ne faisant jamais les choses à moitié, c'est nanti d'une distribution étourdissante que Bertrand Blier fait son retour avec Les Acteurs, un film atypique et totalement barré comme il les affectionne et qu'il est le seul à pouvoir se permettre. Car qui d'autre que lui aurait pu faire jouer à tous ces comédiens de premier plan des personnages à la fois si proches et si éloignés d'eux, qui aurait pu leur demander de jouer avec leur image avec un tel culot et un tel jusqu'au-boutisme ? Avec Bertrand Blier le voyage promet toujours d'être vertigineux, drôle et surréaliste (parfois un poil trop comme c'est le cas ici), mais inédit, intriguant et emballant, ça sans aucun doute.
Les Acteurs est un film qui file à 100 à l'heure, qui ne s'embarrasse d'aucune contingence réaliste et qui pousse toutes les situations à leur paroxysme. C'est surtout un vibrant hommage à tous ces comédiens qui font fonctionner la machine à rêves. Le texte de Blier est renversant de drôlerie et de finesse, avec ses multiples degrés de lecture, ses clins d'œil savoureux mais jamais gratuits, on n'a pas fini de se gondoler d'une vanne que la suivante est déjà là... Au générique c'est tout le gotha des comédiens français qui défile devant la caméra de Blier et c'est un véritable bonheur d'assister à des séquences hallucinantes, où sans avoir peur de rien, ni du ridicule, ni de ce que les spectateurs pourront penser (ou croire), tous ces grands interprètes semblent se régaler de tant de liberté et de folie.
Avec le recul on se demande encore avec stupéfaction comment cet ovni a pu sortir en salles. Et avec tout autant de stupéfaction, comment se fait t-il que Bertrand Blier ait désormais autant de mal à monter ses films. Certes les échecs commerciaux et le caractère moins accessible de ses derniers opus n'ont pas dû aider mais en regardant Les Acteurs, comment douter du génie de cet homme? Comment ne pas jubiler devant ce défilé de stars jouant leurs propres rôles (du moins ce qu'ils pourraient être dans une dimension parallèle) et jouant surtout avec délectation avec leur image? Comment ne pas rire en voyant Depardieu emplafonné dans un abribus après un accident de moto, Balasko devenir André Dussolier ou Marielle cherchant à obtenir par tous les moyens un pot d'eau chaude? Comment rester de marbre devant Jacques François, chantre de la distinction, déverser un tombereau d'insultes ou en voyant Belmondo et Serrault, l'un rigolant sans cesse, l'autre vociférant comme il savait si bien le faire? Le tout avec des dialogues tantôt hilarants, tantôt mélancoliques et plein de poésie avec en point d'orgue deux scènes émouvantes, bouleversantes et qui sont sans doute pour une bonne part à la base du film, où sont conviées les mémoires de Gabin et Ventura par l'entremise d' Alain Delon, puis celles de Pierre Brasseur et Bernard Blier par le biais de leurs fils, Claude et Bertrand. Si vous n'avez jamais vu Les Acteurs, surtout n'hésitez plus, Blier y va de sa plus belle plume entouré de la distribution la plus démentielle qui soit et c'est une proposition, aussi barrée soit t-elle, qui ne se refuse pas.