FORCE MAJEURE (Critique)

FORCE MAJEURE (Critique)FORCE MAJEURE (Critique)

SYNOPSIS: Philippe, Daniel et Hans se rencontrent au cours d'un voyage en Asie et passent quelques semaines ensemble. Au moment de leur depart, Philippe et Daniel laissent a Hans qui reste encore quelques temps leur part de haschisch. Dix-huit mois plus tard, Malcolm Forrest, avocat d'Amnesty International, retrouve la trace de Philippe, etudiant a Paris et de Daniel, chomeur et pere de famille dans la banlieue lilloise. Hans a ete arrete le lendemain de leur depart pour trafique de drogue et condamne a la peine de mort. Il reste cinq jours avant l'exécution.

À la fin de années 80, Pierre Jolivet n'est déjà plus le trublion qui formait un duo comique avec son frère Marc mais il n'est pas encore l'auteur au registre varié qui s'illustrera par la suite. Après avoir co-écrit avec son frère Alors... heureux? ( Claude Barrois, 1980 produit par Claude Lelouch) Pierre Jolivet noue une collaboration artistique avec Luc Besson sur L'avant-dernier, un court métrage qui deviendra Le Dernier Combat ( Luc Besson, 1982) puis se poursuivra sur l'écriture de Subway mais finira par se solder par une rupture définitive entre les deux hommes. Jolivet se lance alors dans la réalisation et signe Strictement Personnel (1985) puis l'année suivante Le Complexe du Kangourou, deux films pas exempts de défauts mais suffisamment singuliers et dotés d'une patte identifiable pour susciter l'intérêt et valoir à son réalisateur une bonne réputation. En lisant dans un journal allemand un fait divers qui titille sa curiosité, Pierre Jolivet écrit avec Olivier Schatzky (avec qui il écrira aussi Fortune Express en 1990) son troisième long métrage intitulé Force Majeure. La réunion des fonds nécessaires à la mise en route du film s'avère compliquée et les américains proposent de produire le film par l'intermédiaire de Jeremy Thomas mais ils souhaitent en changer la fin. Jolivet, sûr de son fait, refuse et il faudra la prise de risque de Michèle de Broca et Paul Claudon pour que Force Majeure finisse par voir le jour. Six semaines de tournage plus tard (sans le soutien d'aucune télévision), le film est tourné avant de sortir en salles le 5 avril 1989.

FORCE MAJEURE (Critique)

Force Majeure, avant d'être un succès critique et public, le premier de son réalisateur, est un film dont le postulat de départ est totalement incroyable et porte en lui un vrai pouvoir d'identification pour le spectateur. Qu'est-ce que j'aurais fait moi? corollaire à ce véritable cas de conscience, réflexion sur la culpabilité, le sacrifice et l'héroïsme, les auteurs n'y sont pas allés de main morte avec les thématiques lourdes que le film charrie. Que faire quand on vous explique que pour sauver un homme que vous ne connaissez qu'à peine vous devez abandonner votre avenir ou vos proches? Les deux personnages qui vont se retrouver à devoir affronter ce vertige vont, pour les besoins dramaturgiques, réagir différemment de prime abord, mais ce n'est pas là que réside l'intérêt principal du film. Là où Jolivet trouve la densité dramatique de son récit, la moelle qui permet à l'histoire de rester solide de bout en bout c'est dans les tentatives d'échappatoire de ces deux hommes perdus face à ce choix infaisable qui remet en question toute leur existence et leurs certitudes. Là le film part sur des hauteurs paroxystiques où l'oxygène se raréfie devant l'insoluble.

FORCE MAJEURE (Critique)

Efficace de bout en bout, alternant avec réussite les séquences lourdes puis les soupapes de sécurité pour reprendre sa respiration le film fait la part belle à une écriture au cordeau, jamais didactique, alors que tout l'y prédisposait. La grande réussite de Force Majeure réside aussi évidemment dans sa distribution. Au-delà même des deux têtes d'affiche, il faut saluer ce qui deviendra une marque de fabrique de Pierre Jolivet, à savoir le soin apporté aux personnages secondaires qui ne sont jamais des esquisses mais qui existent au contraire totalement quel que soit leur temps de présence à l'écran: Sabine Haudepin, Kristin Scott Thomas et Alan Bates encadrent impeccablement Patrick Bruel et François Cluzet. Bruel, qui s'apprête à voir déferler la Bruelmania quelques mois plus tard, sort de deux rôles qui ont raffermi son statut de comédien ( Attention Bandits, Claude Lelouch, 1987) et surtout La Maison Assassinée de Georges Lautner (1988) où il démontre une puissance dramatique qui ne demande qu'à être exploitée. Il en aura l'occasion dans Force Majeure où son registre s'affine et où il fait preuve d'une densité remarquable. Un scène pivot le voit être tout simplement magistral sur le fil d'une émotion continue dans un moment clé autour de l'engagement, la morale et la responsabilité qui emmène le film sur des sommets. A cette époque, Cluzet est encore un second rôle populaire mais Force Majeure lui offre un alter ego de premier plan, d'autant que le fantasque Daniel préfigure les personnages de Vincent Lindon dans Fred et d' Olivier Gourmet dans Jamais de la vie. L'acteur y fait montre d'une magnifique humanité dans un rôle loin d'être simple et où la subtilité de ses intentions régale. Le chassé croisé entre les deux personnages est extrêmement fluide et l'entente entre les deux comédiens palpable, la réalisation de Jolivet jamais ostentatoire et le film fait preuve d'une puissance qui va crescendo et sans fausses notes. La justesse des situations, la maestria de l'interprétation et une fin maîtrisée font de Force Majeure un film marquant à tel point qu'un remake intitulé Loin du paradis avec Joaquin Phoenix et Vince Vaughn verra le jour en 1998 sous la houlette de Joseph Ruben. Quant à Pierre Jolivet, il en sera quitte pour une sévère dépression mais c'est avec Force Majeure que sa carrière décollera réellement et force est de constater que c'était tout sauf immérité.

FORCE MAJEURE (Critique)

FORCE MAJEURE (Critique)EXCELLENT