Alors qu’est-ce qu’on a eu à lire ses derniers mois en comics ? De bonnes choses, à commencer par la belle édition de Stray Bullets chez Delcourt. Mais aussi un récit passionnant sur Flèche Noire. Et à côté de ça, une nouvelle étape pour la Justice League, la suite de Walking Dead et d’intrigantes Créatures Sacrées.
Stray Bullets
David Lapham n’est certainement pas l’un des auteurs de comics les plus connus bien qu’il ait effectué quelques travaux chez les big two. C’est au milieu des années 90 qu’il écrit une série originale, un polar tout en noir et blanc intitulé Stray Bullets qui lui donnera un nom sur le marché et que Delcourt édite aujourd’hui avec un premier volume de plus de 450 pages.
Alors oui, comme ça, l’épaisseur fait toujours un peu peur, surtout quand on voit que les épisodes font toujours 30 pages. Mais pourtant on se laisse vite prendre au jeu. Ici, nous allons lire les destins croisés de personnages tous plus paumés les uns que les autres dans des épisodes au départ indépendants qui veut petit à petit créer leur propre mythologie.
Amoureux losers, camés, fillette traumatisée et bien d’autres personnages vont se révéler finalement attachants dans leur malheur dans une bourgade standard des US. En mélangeant drogue, violence, sexe pour des personnages qui ont toutes les faiblesses réunies, Lapham dresse un portrait aussi mélancolique que violent de la société américaine des années 90. Et son trait et son découpage ne vont faire qu’accentuer cela.
Et mine de rien, tout cela se lit assez rapidement. D’une part car le découpage est justement assez efficace et le dessin comme les dialogues vont souvent à l’essentiel. Et d’autre part, on a vraiment envie de voir si ces paumés vont un jour trouver un soupçon de bonheur, et pour combien de temps. Comme quoi, il n’y avait pas que le Sin City de Miller pour nous faire plonger dans le polar noir & blanc.
Flèche Noire – Le Roi Emprisonné
L’autre belle lecture de ces dernière semaine, c’est ce beau tome concernant le roi déchu des Inhumains, Flèche Noire. Après de récents événements de l’univers Marvel qu’on ne va pas mentionner et qui ne sont pas forcément indispensables, Blackagar Bolgaton est donc retenu prisonnier dans la pire prison de l’univers, sans pouvoirs et avec un geôlier plus qu’horrible.
Saladin Ahmed n’est pas encore un scénariste très connu. Cela ne l’empêche pas de s’investir énormément dans l’écriture de cette série au ton unique. Bien plus qu’une série d’évasion et d’action qui verrait notre roi fomenter un plan pour sortir et reconquérir son trône, il s’attarde surtout sur l’aspect psychologique. Ainsi, au fil des épisodes et des alliés inattendus qu’il se fera, notre héros va apprendre beaucoup sur lui même, ses failles et ce qui lui manque vraiment, à savoir une famille. Le portrait du monarque est passionnant et très émouvant à suivre.
Et pour mettre ce destin spécial en avant, c’est Christian Ward qui va illustrer le parcours de manière presque psychédélique, n’hésitant pas à utiliser des motifs étranges et compositions alambiquées mais toujours compréhensibles, appuyés par un excellent travail à la colorisation de Frazer Irving et Stéphanie Hans. Autant dire que le prix de la série aux Eisner Awards n’est pas volé.
Justice League : No Justice et New Justice
Après le n’importe quoi ambitieux de Scott Snyder sur Batman Metal, l’auteur prend en main la Justice League. D’abord dans la mini-série No Justice où les héros sont réunis par Brainiac pour sauver l’univers des Titans Oméga sortis de mur de la source (suite aux événement de Metal)… Voici donc que les héros doivent faire équipe avec certains vilains pour mettre fin à cette menace cosmique, tout en étant divisés en 4 équipes.
Puis l’auteur reprend en main la Justice League dans New Justice, guidé par le Limier Martien. Le scénariste fait toujours équipe avec James Tynion IV et a toujours les yeux plus gros que le ventre en opposant aux héros une nouvelle ligue noire guidée par Lex Luthor et une nouvelle couleur de Lantern qui est évidemment une menace cosmique toujours due aux conséquences de Metal.
Bref, de menace cosmique en menace cosmique on se noie un peu dans tout ce déluge d’action qui n’approfondit absolument pas les personnages et n’en fait que des pantins dont on ignore si eux-mêmes savent ce qu’ils font. Oui, il y a de l’action, du spectaculaire, mais on ne ressent pas grand chose devant cet automatisme à l’écriture. C’est dommage car même les dessins de Jim Cheung et Jorge Jimenez sont noyés dans un récit ambitieux qui n’a pourtant rien à raconter. Bref, on passera encore notre tour sur la Justice League.
Et quoi d’autre ?
Et enfin, pour conclure, on citera également quelques sorties plutôt sympas chez Delcourt. D’abord le 31e tome de Walking Dead qui nous présente donc plus en détails les plans de la Gouverneuse Milton, et va approfondir encore le personnage de Michonne. Des épisodes qui se lisent toujours aussi vite et son toujours intéressants en complexifiant la vision politique de la série.
Il y a aussi Mes Héros ont toujours été des Junkies, mini-série dérivée de Criminal, toujours écrit par Ed Brubaker et Sean Philips. Et justement ils en profitent pour donner un point de vue féminin dans l’univers de leur série avec une histoire d’amour maudit et désastreux comme ils savent si bien l’écrire.
Enfin, c’est le lancement d’une nouvelle série, Créatures Sacrées. Une histoire de famille manipulatrice, de pêchés capitaux, de complot millénaire et de héros loser. Le concept de Pablo Raimondi est intéressant mais souffre cependant que quelques lacunes d’écriture qui cherchent soit à complexifier inutilement l’intrigue pour meubler, soit a quelques incohérences sur un comportement de personnage souvent irritant. Au dessins Klaus Janson navigue entre l’efficacité et certains proportions amateurs ce qui est frustrant. Bref, du potentiel, mais il y a encore à faire pour que ce soit abouti.