SYNOPSIS: Claire, jeune femme d'une grande beauté, suscite l'irrépressible jalousie de sa belle-mère Maud, qui va jusqu'à préméditer son meurtre. Sauvée in extremis par un homme mystérieux qui la recueille dans sa ferme, Claire décide de rester dans ce village et va éveiller l'émoi de ses habitants... Un, deux, et bientôt sept hommes vont tomber sous son charme ! Pour elle, c'est le début d'une émancipation radicale, à la fois charnelle et sentimentale...
Le leitmotiv initiatique fait partie intégrante de nombreuses œuvres d' Anne Fontaine : Perfect mothers, Marvin ou la belle éducation. Epousant ce thème dans son dernier film, la réalisatrice renoue avec Lou de Laâge dans un rôle bien différent de celui des Innocentes. Revisitant fidèlement le conte des Frères Grimm, Blanche comme neige se concentre sur le parcours d'un personnage principal, Claire, (formidablement porté par Lou de Laâge). La jeune femme, acclamée pour sa beauté, est au centre de toutes les attentions et particulièrement celles des hommes. A commencer par le compagnon de sa belle-mère ( Charles Berling, Isabelle Huppert). Ivre de jalousie, cette dernière se laisse convaincre de se débarrasser de Claire, Huppert étant très convaincante dans ce genre de rôles. C'est en trouvant refuge dans une campagne foisonnante et quasi monastique que la jeune fille fait la rencontre de plusieurs hommes qui façonneront ce qu'elle va devenir.. Au cœur de ce film, des thèmes intemporels comme le rapport à la jeunesse, la jalousie que la beauté physique peut susciter. Inhérents au conte, ces aspects sont éminemment cinématographiques car on peut y bâtir toute une trame scénaristique et y ajouter un contexte contemporain. Au final, il en résulte une alliance savante entre intemporel et modernité.
Si Claire recouvre peu à peu une forme de liberté qui ira croissante, c'est avant tout par ses rencontres. A leur manière, les sept hommes (qui ne sont pas nains) joueront un rôle crucial dans son rapport à la liberté. A commencer par les jumeaux, brillamment incarnés par un seul et même acteur : Damien Bonnard. (à lire l'interview de Damien Bonnard sur Les Lettres de Lucie ici) Ces derniers lui apportent de l'organique, du physique, du concret : ils sont l'un comme l'autre, l'incarnation de la pulsion, certes plus assumée chez Pierre que chez François. Le vétérinaire joué par Jonathan Cohen, tout en tension, lui apporte une note tourmentée dont elle se détache, pour ne pas la subir. Il l'éclaire sur les affres de la passion et elle est touchée par le trouble qui l'anime. Idem pour Vincent Macaigne dont le scepticisme l'éloigne de tout : l'ataraxie incarnée. Le jeune Clément ( Pablo Pauly) est touchant à la manière d'un Macaigne tant il peut être mal à l'aise, donc en décalage. Lui aussi apprendra à se libérer. Son père, Benoit Poelvoorde, sous ses airs de libraire, cache en revanche des intérêts peu orthodoxes. Ce qui n'est pas le cas du prêtre canadien, incroyable de sagesse et d'ouverture : en citant Saint Augustin, " Aime et fais ce que tu veux ", il donne toutes les clés à la jeune Claire pour se trouver. Sans jugement.
Ce qui fait du film d' Anne Fontaine une bouffée d'air jubilatoire, c'est son absence de jugement. On se laisse totalement porter par le personnage incarné par Lou de Laâge et en aucun cas on ne la juge parce qu'elle couche avec plusieurs hommes. Au contraire, on prend comme elle un plaisir grisant et grandissant à se confronter à cette liberté de la chair, des sens mais aussi de l'âme. Plus que jamais, le corps est lié à l'esprit et la liberté d'esprit, à celle du corps. Amen.