Un grand merci à Sidonis Calysta pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Les guichets du Louvre » de Michel Mitrani.
« Il va se commettre aujourd’hui une saloperie, et en toute légalité »
Le 16 juillet 1942, en plein cœur de la Seconde Guerre mondiale. Paul, un étudiant, apprend que la police a totalement bouclé le quartier Saint-Paul, à Paris, pour arrêter tous les juifs qui y vivent. Révolté, il veut tout mettre en œuvre pour sauver le maximum de vies. Il se rend auprès d’un ami qui refuse de l’aider. Le jeune homme persévère et rejoint le quartier, complètement investi par les forces de police…
« Ils nous prennent nos juifs... Si au moins ils nous rendaient nos prisonniers ! »
Durant plusieurs décennies, la France se berça d’illusions en minimisant l’importance de la collaboration et de ses conséquences. De terribles atrocités avaient bien eu lieu sur le territoire national comme dans tous le reste de la guerre. Mais c’était forcément le fait de l’occupant allemand. C’est du moins, par hypocrisie et par confort, ce que l’on voulait bien croire. Jusqu’à ce que l’historien Robert Paxton en 1972, avec « La France de Vichy », démontre la triste réalité des exactions commises par les autorités françaises alors en place. Au cinéma, c’est Max Ophüls avec son documentaire somme « Le chagrin et la pitié » (1971) qui sera le premier à montrer ce que l’on ne voulait alors pas voir, et notamment l’implication des policiers et gendarmes français dans l’arrestation des juifs en vue de leur déportation par les allemands. Mais il faut attendre 1974 et « Les guichets du Louvre » pour qu’un film de fiction ose traiter ouvertement de ce sujet alors ô combien encore sensible.
« Vous et moi qu’est-ce qu’on peut encore espérer ? »
Réalisé par Michel Mitrani, ex-condisciple de Louis Malle à l’IDHEC et réalisateur de télévision chevronné, le film est une adaptation du roman semi-autobiographique de Roger Gossinot. On y suit un étudiant bien informé venu dans le Marais pour tenter d’exfiltrer quelques juifs et ainsi de les soustraire à la terrible rafle parisienne dite « du Vel d’Hiv ». Pour la première fois, un film ose montrer ouvertement - mais avec une formidable pudeur - ces évènements dans leur sordide réalité : les arrestations systématiques de tous les juifs y compris les enfants, la planification méthodique de l’opération et sa froide exécution par la police française, bien accompagnée des volontaires de la Milice. Mais le cinéaste montre aussi la relative indifférence des riverains face au drame collectif dont ils sont témoins. Et si les plus concernés font preuve de lâcheté, les autres approuvent tacitement ou, pire, en profitent pour se livrer immédiatement à des actes de pillage. Face à ce monde qui s’écroule, Mitrani filme aussi l’apparente résignation des populations raflées, tiraillées entre la peur, l’incrédulité et la confiance envers les fonctionnaires français. Au milieu de tout cela, on s’émeut terriblement de la fuite en avant - perdue d’avance - des deux jeunes héros qui tentent d’échapper comme ils le peuvent aux forces de l’ordre à travers les ruelles labyrinthiques, ainsi que de la préciosité de ces (derniers) moments de liberté volés au destin. Comme de l’impossibilité de leur amour naissant. Porté par un formidable duo d’acteurs - Christian Rist et la gracile et regrettée Christine Pascal - « Les guichets du Louvre » est un film d’une puissance magistrale qui ouvrira la voie aux quelques films à venir qui traiteront de ce sujet à jamais honteux, tels « Monsieur Klein » ou « La rafle ».
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Le DVD : Le film est présenté en version restaurée et proposé en version originale française (2.0). Aucun sous-titrage n’est disponible.
Côté bonus, le film est accompagné d’une présentation par Bertrand Tavernier et d’un entretien avec Laurent Heynemann, qui fut premier assistant sur le tournage.
Edité par Sidonis Calysta, « Les guichets du Louvre » est disponible en combo blu-ray + DVD ainsi qu’en édition DVD depuis le 19 mars 2019.
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