Un grand merci à ESC Editions pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Carmen Jones » de Otto Preminger.
« Chez nous, les hommes disent d’elle que s’est un volcan. Et je crois que tu l’a réveillé ! »
Jacksonville durant la Seconde Guerre Mondiale. A la caserne militaire locale est couplé un atelier de confection de parachutes où travaille la volcanique Carmen Jones. A la suite d’une violente altercation entre la jeune femme et l’une de ses collègues, le caporal Joe, futur élève pilote, reçoit l’ordre de son sergent de prendre la route pour Masonville afin d’y remettre Carmen aux autorités civiles. Mais la Jeep s’embourbe dans une mare. Là, Joe succombe aux charmes de la séductrice, laquelle prend la fuite après une nuit de passion, non sans lui avoir confessé qu’elle l’aimait.
« Quand j’aime un homme, il n’a pas besoin d’être riche. Et si je ne l’aime pas, rien n’y fera ! »
Plus encore que la nouvelle de Prosper Mérimée dont il est inspiré, on connait surtout « Carmen » pour l'opéra de Georges Bizet, symbole même de l'opéra à la française. L'histoire d'un personnage féminin libre et fort ainsi que d'une passion destructrice qui aura inspiré les cinéastes au fil des décennies : DeMille, Feyder, Walsh, Lubitsch, Christian-Jaque et même Godard. Plus connu pour ses films noirs (« Laura », « Le mystérieux Docteur Korvo », « Mark Dixon détective », « Un si doux visage ») et ses drames feutrés (« L'éventail de Lady Windermere », « Ambre »), Otto Preminger surprend son monde en en proposant sa propre version, elle même adaptée de « Carmen Jones », musical librement inspiré de Bizet par Oscar Hammerstein II qui a triomphé à Broadway en 1943. L'occasion pour le cinéaste de se frotter au film musical qui connait alors un regain de mode à Hollywood après les succès de « Chantons sous la pluie » et « Un américain à Paris ».
« Agis en femme : prends un homme pour l’utile et un pour l’agréable »
« Carmen Jones » est ainsi une transposition contemporaine de l'opéra originel. Exit donc l'Andalousie du 19è siècle, l'intrigue se retrouvant transposée dans une base militaire de Floride pendant la Seconde guerre mondiale. Ainsi, la belle Carmen n'est plus une gitane qui confectionne des cigares, mais une afro-américaine qui confectionne des parachutes. A l'évidence, la grande curiosité du film repose sur son contexte et son casting exclusivement afro-américain, chose alors encore très rare dans les États-Unis des années 50 où une pratique encore la ségrégation. L'autre originalité du film est de proposer une réinterprétation et une réorchestration des principaux thèmes musicaux du célèbre opéra, de « L'amour est un oiseau rebelle » à « Toréador ». A l'évidence, l'ensemble surprend par son audace et dégage grâce à ses deux interprètes principaux (la belle Dorothy Dandridge et Harry Belafonte, qui ont en commun d'être chanteurs avant d'être acteurs) une belle sensualité. Mais force est aussi de constater que le film est terriblement déroutant, parfois même un peu pompier, et que les puristes ne s'y retrouveront probablement pas. Ce « Carmen Jones » est donc à prendre pour ce qu'il est : une curiosité autant qu’un projet audacieux et progressiste.
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Le blu-ray : Le film est présenté dans un nouveau master Haute définition, en version originale américaine (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.
Côté bonus, le film est accompagné d’un entretien avec Antoine Sire (26 min.), spécialiste du cinéma hollywoodien.
Edité par ESC Editions, « Carmen Jones » est disponible en blu-ray ainsi qu’en DVD depuis le 19 mars 2019.
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