Chaque semaine je fais — pour vous — le tour des programmes TV en extirpant de tout cela une programmation cinématographique autour de trois œuvres.
Semaine du 12 Mai au 18 Mai.
Dimanche 12 Mai. Juste la fin du Monde de Xavier Dolan sur France 2.
Louis, un écrivain, revient voir sa famille dans son village natal après douze années d’absence, pour leur annoncer quelque chose. Ces retrouvailles ravivent des souvenirs, mais créent des tensions entre les membres de la famille...
Juste la fin du Monde parachève une mue débutée depuis Laurence Anyways. Se délestant de l’autosuffisance de ses premiers longs-métrages, le cinéaste affine son style qui trouve sa pleine puissance dans cette œuvre. À titre purement personnel, il est mon Dolan préféré -même si Mommy est vraiment juste derrière; le plus maîtrisé, celui parvenant à l’équilibre entre fond et forme, celui qui fait naître en nous une boule au ventre qui finit par imploser dans l’affrontement final. Le prodige canadien se fait orfèvre, la rage se pare d'un gant en velours. Effleurant nos sens, pour mieux nous dévaster, il nous fait ressortir de cette expérience tout étourdissante devant une œuvre qui nage en eaux troubles. Colossal.
Mercredi 15 Mai.
Julieta de Pedro Almodovar sur Arte.
À la veille de quitter Madrid avec son amant Lorenzo, Julieta rencontre fortuitement Beatriz, amie d'enfance de sa fille Antía. Elle apprend que sa fille, dont elle sans nouvelles depuis douze ans vit en Suisse, avec trois enfants. Julieta décide alors de rester à Madrid, dans l'immeuble qu'elle occupait autrefois, et de se confronter à ses souvenirs. Elle écrit à Antía tout ce qu'elle n'a pas eu l'occasion de lui dire…
Le cycle Almodovar s’achève par le dernier film du cinéaste espagnol, Julieta. Un long-métrage d’aller et retour entre les époques, tout cela fonctionnant comme une sorte de thérapie pour Julieta. Dans cette œuvre, plus que jamais, le réalisateur filme la vie, dans tout ce qu’elle a de passion, de bonheur, de perte, de douleur, de folie. Tout cela au sein d’une entité, une femme, mais pas une femme consensuelle, une femme complexe, abîmée par la vie, torturée par ses choix, une femme passionnante s'insérant dans une œuvre troublante, bouleversante, entre obscurité et rédemption, amertume et tendresse. C’est dans ces antonymes que se trouve toute la puissance de ce film.
Jeudi 16 Mai.
Les garçons et Guillaume à table ! De Guillaume Gallienne sur France 3.
Le premier souvenir que j’ai de ma mère c’est quand j’avais quatre ou cinq ans. Elle nous appelle, mes deux frères et moi, pour le dîner en disant : "Les garçons et Guillaume, à table !" et la dernière fois que je lui ai parlé au téléphone, elle raccroche en me disant : "Je t’embrasse ma chérie" ; eh bien disons qu’entre ces deux phrases, il y a quelques malentendus.
L’autobiographie n’est en rien une chose facile. Combien de films aux réminiscences profondément personnelles se sont plantés devant un exercice si personnel qu’il en oublier que le cinéma doit avant tout être un partage. De façon assez magistrale, Guillaume Gallienne trouve dans ses troubles de jeunesse une puissance universelle, grandir en se sentant différent et se sentir diffèrent dans le regard d’autrui. S’ouvre alors, une quête de soi burlesque, audacieuse, désopilante, à la théâtralité assumée et au texte millimétré. Les moments de franche hilarité viennent mourir dans un monologue envers sa mère ou l’émotion prend soudain de l’ampleur. Psychanalyse du soi qui devient nous, ce genre d’œuvre est rare, il faut la chérir.
Thibaut Ciavarella