Cher Alain Delon,
Cette fois j'ai la pression. Et pas qu'un peu. Car comment s'adresse t-on à une étoile ? Comment dire à un astre qui brille au-dessus de votre galaxie depuis toujours qu'on l'aime infiniment, passionnément, follement ? J'imagine qu'il faut dire les choses simplement, sans emphase, en parlant avec son cœur pour espérer toucher le vôtre si d'aventure un jour vous tombiez sur ces lignes qui vous sont destinées. Aussi loin que je m'en souvienne, vous avez fait partie de mes idoles quand bien même j'ai grandi alors que vous tourniez vos films les plus " légers " et que votre période la plus impressionnante était passée. J'ai vu et aimé tant de vos films que vous faites partie de ma vie pour toujours, vous avez posé votre empreinte sur mon cœur de cinéphile et rien ne pourra désormais vous en faire sortir.
Si je devais faire la liste de tous les chefs-d'œuvre (et les autres) auxquels je vous associe immédiatement, une bonne part de votre filmographie figurerait en bonne place mais certains ont plus que d'autres une place à part dans " notre " histoire commune. Mélodie en sous-sol d' Henri Verneuil, où vous servez les dialogues d' Audiard avec une gourmandise et une délectation qui me met toujours en joie, Borsalino où votre rencontre avec mon idole absolue Jean-Paul Belmondo ne pouvait que me renverser de bonheur et Notre Histoire de Bertrand Blier où vous faites un numéro de virtuose absolument saisissant, récitant un texte sublime avec un talent tel qu'on vous croirait réellement garagiste " rangé des voitures ". Évidemment que ces trois films ne résument pas votre carrière mais ils en sont à mes yeux du moins, le symbole magnifique d'un artiste capable de toutes les audaces tout en ralliant le public le plus large. J'aime vous voir dans ces rôles denses où vous démontrez à ceux qui en doutaient que ce n'est pas uniquement la beauté qui vous a porté au firmament mais bien une manière unique d'appréhender tous les registres. Vous n'êtes pas cette caricature qu'on a si souvent raillée dans les magazines, mais un acteur racé capable des nuances les plus subtiles, sachant faire passer une kyrielle d'émotions par un geste, un regard, un sourire ou un mot posé de votre voix reconnaissable entre toutes.
Je vous ai aimé à la folie dans tous ces rôles où vous survoliez les débats avec une telle facilité que vous écrasiez sans même le vouloir la majorité de vos partenaires. Vous êtes comme ça, vous avez cette stature, cette animalité, ce charisme qui fait que vous aimantez les regards et les cœurs et que, quelles que soient vos maladresses personnelles, on ne peut vous en vouloir. On a envie de vous aimer, de vous défendre, de vous protéger, de vous dire que l'on comprend l'immensité de vos douleurs et de vos blessures et que vous êtes un être unique. Rien que pour Monsieur Klein, Plein Soleil, La Piscine, Le Guêpard, Rocco et ses frères, Les Aventuriers, Le Samouraï, La Piscine, Le Clan des Siciliens, Le Cercle Rouge, Mort d'un pourri... et des dizaines d'autres vous serez pour toujours cet immense artiste qui nous a apporté tellement d'émotions qu'une Palme d'or d'honneur n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan. Mais vous n'êtes pas encore une somme de souvenirs cher Alain Delon, vous êtes un être vivant que l'on célèbre comme il se doit dans un Festival qui sied parfaitement à votre démesure. Vous êtes de ces stars éternelles qui brillent dans notre ciel et qui jamais, quoiqu'il arrive, ne s'éteindra.
Votre dévoué Fred Teper