Après Julieta, Pedro Almodovar nous plonge dans une autofiction nimbée d'une certaine mélancolie chère à notre réalisateur. Douleur et Gloire, c'est l'histoire d'un metteur en scène vieillissant, Salvador Mallo, interprété par l'impeccable Antonio Banderas, double à peine masqué de Pedro Almodovar. Il y raconte son enfance pauvre aux cotés de sa mère, admirable Pénélope Cruz. Construit par séries de flash-backs allant de l'enfance à l'âge adulte, on découvre ses douleurs principalement la dépression mais aussi son addiction à l'héroïne. Sa jeunesse dans la province de Valence rappelle par certains aspects des souvenirs évoqués dans La Mauvaise Education. En effet, on y voit son premier émoi enfantin pour un maçon dans la maison aux briques blanches. Ce premier émoi ou plutôt désir donnera lieu à un synopsis dans le film. Il s'intitule "Le premier désir", référence à peine dissimulée à la société de production de Pedro Almodovar El Deseo.
Mais Douleur et Gloire est aussi à un magnifique film qui fait la part belle aux couleurs. Presque kitsch, elles rappellent ses flamboyants films des années 80 avec Victoria Abril and co. On aime voir à l'écran un superbe dégradé de bleu allié au rouge coquelicot mais aussi au vert pomme. Mais c'est surtout le blanc de cette chaude maison d'enfance qui interpelle.
Outre cette explosion de couleurs chères au cinéastes, le réalisateur mène une formidable réflexion sur lui et sur la création de son oeuvre. Les flash-backs mettent en lumière l'enfance mais aussi l'enfance de son art, au désir originel. Pedro le fait avec pudeur, avec une introspection maîtrisée.
Douleur et Gloire est donc ce film presque testamentaire d'un réalisateur grisonnant ou plutôt d'un être perclus de douleurs, lassé de ses comédiens mais heureux de retrouver ses anciens amours - à l'image de cet amant qu'il embrasse avec fougue - heureux aussi de revoir sa mère, figure incontestée de l'univers d'Almodovar. Dans ce film, la mère est donc l'image et la synthèse de toutes les mères. Cet amour voué à la mère est quasi flou tant il évoque à la fois la génitrice mais aussi la femme. Cette femme, incarnée par sa muse Pénélope Cruz, est l'unique femme qui aurait pu lui faire changer de bord (le cinéaste est homosexuel).
Le 22 ème film de Pedro Almodovar est donc une formidable oeuvre psychanalytique dans laquelle il sonde le vide de la création ainsi que les souvenirs liés à l'enfance et l'âge adulte. Douleur et Gloire est donc ce film que l'on attendait dans la filmographie d'un cinéaste qui comme son personnage vieillit (70 ans au compteur déjà !).
A voir et revoir, peut-être un des meilleurs films du maître espagnol !