De Pedro Almodóvar
Avec Antonio Banderas, Asier Etxeandia, Leonardo Sbaraglia
Chronique : Tout en raffinement et en sobriété, Pedro Almodovar livre son film le plus personnel, le plus doux, avec la délicatesse que son cinéma autrefois excentrique tend à épouser depuis une décennie (à l’exception notable du très mauvais Les Amants Passagers).
Douleur et Gloire frise l’excellence, que ce soit dans sa manière de construire son récit dans l’auto-fiction, genre éminemment casse-gueule, que dans sa direction artistique, chaleureuse et picturale.
Almodovar trimballe son spectateur dans son passé, ses souvenirs, réels ou fantasmés, et ses rêveries créatrices. Sans que les frontières entre eux ne soient jamais vraiment étanches…
Il gratifie son spectateur de plans larges toujours aussi sublimes, de réminiscences lumineuses et de décors chatoyants alors que Salvador se réconcilie progressivement avec son passé.
Douleur et Gloire est un grand film apaisé sur le désir. Le désir de créer qui s’est tari et qu’on tente de ranimer ou de compenser par une addiction nouvelle, le désir à la fois douloureux et réconfortant des passions d’antan…
Les obsessions Almodovariennes sont bien présentes, la fièvre créatrice, l’angoisse du temps qui passe et du corps qui lâche, la figure maternelle tour à tour inspirante et castratrice. Mais la mélancolie à remplacer l’hystérie. Le réalisateur enchaine les moments simples mais bouleversants. Une réconciliation après vingt ans d’une brouille que les égos d’alors n’avait pu surmonter, les retrouvailles nostalgiques et dépassionnées avec un amant qui n’a jamais été oublié, un dessin retrouvé au hasard qui fait renaître la confusion du premier désir charnel … Salvador croise ses fantômes du passé pour mieux trouver la paix.
S’il n’a jamais caché que Salvador était son double fictionnel, Almodovar brouille habilement les pistes et les esprits pour ne jamais totalement se dévoiler. Ce qui fait de Douleur et Gloire certes son film le plus personnel, mais aussi l’un des plus pudique. Son usage de la mise en abîme s’avère de plus en plus maîtrisée, discrète mais omniprésente, entraînant son spectateur dans un grand huit émotionnel.
Almodovar fini par lâcher dans son dernier plan un message d’espoir poignant et s’autorise une déclaration d’amour passionnée au cinéma, à son cinéma.
On la partage entièrement.
Synopsis : Une série de retrouvailles après plusieurs décennies, certaines en chair et en os, d’autres par le souvenir, dans la vie de Salvador, un réalisateur en souffrance. Premières amours, les suivantes, la mère, la mort, des acteurs avec qui il a travaillé, les années 60, les années 80 et le présent. L’impossibilité de séparer création et vie privée. Et le vide, l’insondable vide face à l’incapacité de continuer à tourner.